La fin des haricots

Nous avons appris le 26 juin dernier que notre bon gouvernement canadian, fidèle à son idéologie, a décidé d’intégrer l’Agence canadienne d’aide internationale (ACDI) au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qu’il a renommé ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. L’ACDI n’a donc plus le statut d’agence indépendante qu’elle avait et reçoit maintenant ses directives du Ministère. En d’autres termes, l’aide internationale est subordonnée aux besoins du Canada en matière de commerce et de politique.

Deuxième étape dans la réforme de l’aide au développement, le Canada met un terme définitif à son programme de coopération volontaire, partout dans le monde. L’enveloppe qu’y allouait l’ACDI (300 millions de dollars en cinq ans, répartis entre une dizaine d’ONG) sera réduite, et les fonds seront désormais attribués par appel de propositions ouverts à l’entreprise privée comme aux ONG. Si bien qu’une société minière, par exemple, pourra recevoir de l’argent pour ouvrir une école et un dispensaire dans un village où elle exploite une mine (et les villageois).

Oxfam Québec doit donc 1) choisir quels bureaux elle maintiendra dans le monde et 2) s’abstenir, à compter du 31 décembre, de toute dépense liée au programme canadien de coopération volontaire.

C’est donc dire que mon affectation se terminera trois mois plus tôt que prévu.

Je suis déçue, bien sûr. Mais dans mon cas, ça ne pose pas vraiment de problème. J’aurai quand même le temps de faire ce pour quoi j’ai été engagée, je pourrai voyager un peu après et je reprendrai ensuite tout bonnement mon poste à La Presse.

Il en est autrement de mes collègues qui, pour la plupart, ont un conjoint africain qui a besoin d’un visa pour rentrer au Canada (au moment même où le personnel chargé de  traiter les demandes de visa est en grève) et qui n’ont pas de travail qui les attend à leur retour. Quant à se replacer ailleurs dans le monde pour une autre ONG, songez à tous les coopérants canadiens qui, comme nous, se retrouvent dans la même situation: il y aura du monde au portillon!

Mais outre cette inévitable déception, dans une perspective plus large, ma petite expérience me dit que le programme de coopération volontaire a peut-être besoin, en effet, d’un repositionnement. Il est permis de se demander si cela est vraiment utile, si cet argent est bien dépensé, s’il ne pourrait pas l’être mieux.

On peut regretter (et je le regrette, croyez-moi) que cette nécessaire remise en question se fasse autour d’impératifs commerciaux mais, au fond, ça n’est pas si étonnant. Les pays riches viennent rarement en aide aux plus pauvres par pure générosité. On y va s’il y a un marché potentiel où exporter ses produits et son savoir-faire, s’il y a des ressources à exploiter, si cela constitue une position stratégique d’un point de vue géopolitique.

Le gouvernement Harper, en amalgamant les Affaires étrangères, le Commerce et le Développement, est donc non seulement cohérent avec lui-même, mais il fait ouvertement ce que d’autres font en catimini.

Je ne dis pas que ça me plaît, loin de là. Mais cela a du moins le mérite de poser clairement les enjeux. Comme le dit ce vieux Sun Tzu dans L’Art de la guerre, il est toujours bon de savoir à qui l’on a vraiment affaire:

«Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera point défait. Qui se connaît mais ne connaît pas l’ennemi sera victorieux une fois sur deux. Qui ne connaît ni son ennemi ni lui-même est toujours en danger. »

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