Carnaval

J’avais dit que je vous parlerais de nourriture(s) dans ma prochaine publication, mais ça peut attendre: le carnaval, lui, n’attend pas. Il vient d’ouvrir dans la région, et je peux vous dire qu’on ne niaise pas avec ça, ici.

Hier, il y a eu un grand défilé populaire, qu’on appelle pasacalle. Ce mot veut simplement dire qu’on passe (pasar) par les rues (calles, ou calle au singulier). Ça se prononce «passacaille», comme le genre musical, sauf qu’on prononce de «e» final comme un «é».

Tout le monde met ses ses beaux habits, des groupes viennent de partout – musiciens, troupes de danse, associations de producteurs et productrices de tout ce que vous pouvez imaginer. Il y a des pains en forme de cochon d’Inde, de bébés, de lapins, de je ne sais quoi; il y a des chars allégoriques qui célèbrent la générosité et la richesse de la Terre; il y a des vendeurs ambulants, des curieux, des enfants, des gens qui lancent de l’eau à pleins seaux sur les participants…

Le défilé s’est mis en branle à 9h30. Quand, vers 13h, recrue de fatigue, j’ai quitté le stade municipal (qui était le point de chute de tout ce beau monde), il y avait encore des gens qui défilaient dans les rues de Caraz. Dans le stade, ceux qui avaient défilé pendant trois heures et plus continuaient de danser. Je ne sais pas comment ils font.

Sur le chemin du retour, au bord de l’hypoglycémie, je me suis arrêtée pour dîner dans un des rares restos où je pouvais espérer manger dans la prochaine heure. Des joueurs de flûte, eux aussi de retour du défilé, remplissaient toute la salle de leur musique suraiguë, j’ai failli devenir encore plus sourde. Mais c’était quand même chouette!

Ça, donc, c’était hier.

Aujourd’hui, sur la place d’Armes, une petite foule assez compacte occupait les gradins installés pour l’occasion, afin d’assister à un concours (si j’ai bien compris) de joueurs de tambour et de flûte (oui, les deux à la fois). Une occasion en or pour les vendeurs de glaces ou de cremoladas (un genre de slush faite, m’a-t-on dit, avec de la glace recueillie à même le Huascaran, ce glacier qui veille sur la ville – mais je demande des preuves).

Les Péruviens adorent le sucre.

Depuis 13 h, de la musique émane sans discontinuer d’une salle de fête à un coin de rue de chez moi. Les fenêtres tremblent dans leur châssis. Des pétarades éclatent un peu partout. C’est la fête!

Ce qui est étrange, c’est que, en dépit de toutes ces couleurs éclatantes, de cette musique irrésistible, les Péruviens ne sourient pas beaucoup. Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de littérature, dit lui-même que les gens de son peuple sont tristes.

Je le vois tous les jours dans le visage des enfants, même les très petits, qui ont toujours une mine un peu soucieuse. Je le vois dans l’expression des danseurs, qui ne se regardent pas et qui s’exécutent d’un air un peu absent, sans joie véritable, dirait-on.

Je le vois aussi dans les commentaires qui suivent les nouvelles du journal El Comercio, le plus important au pays. Amers, désabusés, vindicatifs…

Le Pérou a une histoire compliquée et violente. Comme bien d’autres d’Amérique latine, qui ont été successivement envahis et exploités par les Espagnols et les Américains (pour résumer, hein).

Ce goût pour les couleurs vives, le bruit, les choses très sucrées, les fêtes, les feux d’artifice, je ne sais pas, c’est peut-être une façon de se convaincre qu’on est vivant, malgré tout…

 

 

 

 

 

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