Je ne peux pas croire que je vais enfin sortir d’ici.
Comme une enfant, je compte les heures qui me séparent du moment où l’ambulance viendra me chercher pour m’emmener à Lima. Il est 5h. On m’a dit qu’elle serait là à 8. Je n’ai pratiquement pas fermé l’oeil de la nuit parce que l’infirmière qui est de garde me fait craindre pour ma vie.
J’ai peur que mon masque à oxygène s’arrête sans qu’elle s’en rende compte. Ce vieux machin est branché directement sur une énorme bonbonne dont on s’est rendu compte que le manomètre était défectueux après que je m’en fus plainte. L’humidificateur fuit et on l’a colmaté avec du sparadrap.
Voyez le genre.
C’est à cette jeune infirmière au petit pas militaire que, au début de mon séjour ici, j’ai dû signaler 20 bons centimètres d’air dans la tubulure de la perfusion qu’elle venait de m’installer. C’est elle aussi qui a laissé tombé une aiguille usagée sur mon lit sans s’en rendre compte, avec son air concentré. Elle encore qui purgeait allègrement à même le sol de ma chambre ma perfusion de dextrose avant de la rebrancher.
J’ai jamais vu ça.
Elle a donc réussi à gâcher jusqu’à ma dernière nuit dans cet hôpital. Dommage, j’aurais bien aimé qu’on me donne Maruja, la plus calme, la plus organisée, ponctuelle, à son affaire, qui me passait la main sur le front en souriant quand je paniquais pour me dire que tout irait bien… Avec elle, j’aurais dormi un peu. Mais ç’aurait été trop beau.
Je sens que tous les fils de mon cerveau sont en train de se détricoter. Un grand morceau d’étamine qui s’effrange sur les bords, qui ne retient plus que les pensées les plus absurdes.
Cinq heures quarante.
J’ai les jambes engourdies, la tête qui bourdonne comme une ruche assiégée.
J’ai tellement hâte de sortir d’ici.
Je crois qu’il est temps de quitter l’endroit. La fatigue et l’usure fait son travail sans qu’on le réalise. Deux autres étapes restent à être franchies: aller à Lima puis revenir à la maison. Le moment de penser à vous est venu. Les choses iront de mieux en mieux. Continuez de nous écrire, dans la mesure où ça ne nuit à rien, vos mots sont lus.
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Nous pensons sans cesse à toi et te souhaitons d’être bientôt chez toi pour te retrouver bien vite en bonne santé. Bises de Marleen et Frederic
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