
C’est comme ça que ça s’appelle.
Bien obligée: c’était ça ou je ne sortais plus.
Je suis terriblement mortifiée. MOI! Impératrice de Rosemont et de tous les coeurs! Sortir avec cette collerette absurde, infamante, ridicule, mais POURQUOI?
Elle m’a mis ça après que je lui ai rapporté le fameux bruant à gorge blanche, qu’elle avait baptisé Aristide. Demande-moi pas pourquoi 1) elle me l’a confisqué et 2) elle lui a donné un nom, et celui-là en particulier, je comprends pas pantoute.
En tout cas.
Elle pense que j’ai rien vu, mais je sais très bien qu’elle l’a mis à l’abri dans une chambre à laquelle j’ai pratiquement jamais accès parce qu’elle-même n’y va que trèèès rarement.
Elle me prend vraiment pour une imbécile.
Un bon jour, pas longtemps après ce que je considérais comme une glorieuse capture, elle est sortie de la chambre avec le p’tit oiseau enfermé dans le machin qu’elle m’inflige pour m’emmener chez le vétérinaire.
HAHAHA! J’ai trop ri! Le p’tit oiseau était dans ma propre cage! Bien fait pour lui!
Parce que moi, pour vrai, j’m’en foutais: la veille encore, j’avais ramené à la maison un autre beau p’tit oiseau. Comme il était déjà très mort, j’pensais qu’elle serait contente, mais non. Elle est jamais contente.
Elle a dit que c’était un «junco ardoisé», mais pour vrai, elle dit souvent n’importe quoi juste pour que je me sente coupable. Donc, encore une fois, elle m’a fait une scène et me l’a confisqué, mais ça m’a pas fait grand-chose parce que je savais que je pourrais en attraper plein d’autres.
Je suis redoutable, tsé.
Sauf que quand elle est rentrée à la maison avec ma petite cage rose vif vide, elle avait un autre plan pour moi.
C’était cette absurde, infamante, ridicule collerette de clown qu’elle m’inflige désormais chaque fois que j’exige de sortir.
Parce que la tatie a apparemment emmené Monsieur Aristide dans un refuge où, peut-être, on pourrait lui sauver la vie. Et c’est là qu’elle a trouvé cet instrument du diable.
Comme ça, selon elle, les oiseaux, qui paraît-il ont des super pouvoirs visuels, pourront détecter ma présence malgré toutes mes terribles astuces de camouflage et s’échapper avant que je les pogne.
BEN VOYONS!
Qu’est-ce qu’elle a pas compris dans l’idée de CHASSER?
Je suis outrée. Outrefâchée. Outrefâchumiliée.
Mais y a toujours l’histoire des croquettes, tsé.
Ça fait que à partir de désormais, si je veux sortir, je dois pour ainsi dire poser ma tête sur le billot pour qu’elle me passe la corde au cou.
C’est la somme de toutes les exécutions.
À côté de ça, Marie-Antoinette peut bien aller se rhabiller. Y manque juste Jeanne d’Arc, pis comme c’est là, j’te dirais que c’est juste une question de temps.
AU SECOURS!
J’ai frôlé la dépression mais, heureusement, dans les derniers jours, il s’est produit quelque chose d’absolument extraordinaire: deux humains inconnus sont arrivés et ont occupé la chambre-dans-laquelle-on-ne-va-jamais.
Tout à coup, la tatie s’est mise à parler avec ces gens-là et je comprenais absolument rien de ce qu’ils se disaient tous les trois.
J’ai commencé par capoter, mais j’ai vite compris que les deux inconnus étaient des alliés: ils m’ont rendu les hommages dus à mon rang, et si je ne suis pas allée dormir dans leur lit, c’est bien seulement parce qu’ils fermaient la porte. Pis je sais vivre, tsé.
Mais ils m’ont parlé, m’ont fait des gouzis-gouzis, ont joué avec moi et m’ont trouvée aussi belle et irrésistible que je le suis.
C’était l’fun!
Là, ces deux-là sont partis, je pense, parce que la chambre est vide et que la maison est de nouveau sens dessus dessous: la tatie n’a absolument aucun talent pour l’ordre, sauf quand il s’agit de réglementer mon régime alimentaire ou, d’après ce que je déduis, quand il y a des étrangers à la maison.
Là, elle continue de me parler dans cette langue bizarre que je ne comprends pas, mais quelques mots reviennent souvent: préciossa, beyyessa, immepératriss.
Je finirai bien par savoir ce qu’elle essaie de me dire.
* * *
DERNIÈRE HEURE
Sa collerette maudite marche même pas, lalalère! J’ai attrapé un autre oiseau ce matin, youpi! Elle était fâchée, la tatie, quand je lui ai rapporté la preuve de sa bêtise. Ça lui apprendra.
Au moins, mon honneur est (presque) sauf.