Une obsession

Ça m’arrive tout le temps quand je rentre de voyage: je ne pense qu’à reproduire ce que j’ai mangé, une manière comme une autre de prolonger le bonheur d’avoir été ailleurs, de ralentir l’atterrissage, de continuer de rêver.

Mais on dirait que c’est plus grave et incurable dans le cas de l’Italie.

Je suis donc allée vendredi à la Baia dei formaggi, puis à la boucherie Capitol (au marché Jean-Talon). J’ai acheté de la guanciale aux deux endroits (pour comparer, tsé), à un prix qui me fait presque pleurer quand je pense à ce qu’on m’a confisqué à la douane.

Et je pleure carrément quand je pense que ça a fini aux poubelles.

Parce que non, les douaniers canadiens ne gardent pas ça peur eux, hein, franchement. On n’est pas dans une république de bananes.

Ils doivent avoir souvent envie de pleurer eux aussi.

J’ai au moins réussi à faire rire celui qui m’a confisqué ma guanciale et mon prosciutto quand je lui ai dit que je reviendrais fouiller dans les poubelles pendant la nuit.

Il était presque aussi beau, gentil et poli que mon propre fils. Ça console.

Bref, je vous le dis et vous le répète, ne rapportez au Canada aucune sorte de viande, fût-elle salée, séchée et emballée sous vide, en pensant que c’est légal: ça ne l’est pas. Après, si vous avez une âme de gambler, vous pouvez toujours essayer de passer ça en douce, en espérant de ne pas faire l’objet d’un contrôle aléatoire. Si vous vous faites prendre, vous risquez une grosse amende, mais pire: vous serez fiché à la douane comme un trafiquant de cocaïne (j’exagère, mais pas tant que ça).

Vous ferez bien ce que vous voudrez, mais vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.

Je peux en tout cas vous affirmer que nos tomates en conserve Aylmer ou autres n’arriveront jamais à égaler le goût et la qualité des tomates italiennes, c’est comme ça. La passata, pareil,

Et les pâtes, aaahhh, mon doux, les pâtes! Sont pas toutes égales devant Dieu et les Hommes, oh que non! J’ai acheté hier chez Milano un paquet de spaghettone qui m’a coûté trois fois un paquet de Barilla, mais qui m’a procuré au moins six fois plus de bonheur.

J’avais fait un ragù alla bolognese du feu de Dieu, un truc tout simple qu’on ne peut absolument pas rater.

J’ai dû être italienne dans une vie antérieure. Il me manque juste une famille nombreuse.

Buona notte a tutti.

Décalage

Je pense que je n’ai jamais eu autant de mal à me réadapter après un voyage en Europe.

Bon, c’est vrai, je ne suis rentrée que depuis trois jours. Mais quand même. Il fut un temps où je passais à travers ça comme l’eau des spaghettis à travers une passoire. Mais on ne rajeunit pas, hein?

Je me surprends à me lever dès 7h30 le matin avec une faim d’ogresse, j’ai envie de faire une sieste à 10h et de manger des pâtes à 5h de l’après-midi, je me retiens à deux mains pour ne pas me coucher à 7h du soir.

Il est vrai que la Sissi me réveille au beau milieu de la nuit en me léchant le visage, les mains, les épaules (tout ce qui dépasse de la couette, en fait) jusqu’à ce que je finisse par acheter la paix en lui donnant une avance sur ses croquettes du jour. Quand je vous dis que j’ai créé un monstre…

Mais qui suis-je pour la juger? Moi aussi, je ne pense qu’à manger. Des rigatoni all’amatriciana, des spaghetti alla bolognese, alla puttanesca, all’arrabiata ou alla carbonara…

J’ai trouvé un site italien où on donne les recettes de base de ces grands classiques. Allez voir ça. Même si c’est en italien, vous allez comprendre qu’on n’a rien compris quand on entasse une montagne de spaghettis dans une assiette et qu’on la couronne ensuite de sauce.

En tout cas.

Là, il est 20h, je m’accorde le droit de me coucher.

Buona notte a tutti!

Pot-pourri

Pot-pourri, c’est le nom du resto où j’ai mangé hier soir. Je suis arrivée là bien trop tôt, le propriétaire m’a priée de revenir vers 19h et m’a conseillé un endroit où aller prendre l’apéro en attendant, le Bar dei Cesaroni. J’avais vu passer ce nom sur Google Map (devenu mon meilleur ami), ça semblait sympa selon les avis des clients.

Le bar doit sans doute sa popularité au fait qu’il a servi de lieu de tournage dans une télésérie éponyme qui a eu énormément de succès, je ne vois pas autre chose: le patron a une mine parfaitement patibulaire, et les deux femmes qui travaillent avec lui (sa mère et sa soeur? ou sa femme et sa belle-mère?), édentées, boiteuses, bilieuses, pas ragoûtantes, ressemblent à deux maquerelles de fond de bidonville. On aurait dit une scène d’Affreux, sales et méchants! Je me suis bien amusée à observer cette faune qu’on ne verrait jamais dans le Trastevere, devenu un quartier bien trop chic et de bon goût.

En tout cas. Je suis retournée au Pot-Pourri à 19h pile. Il était bien sûr encore trop tôt (les Italiens ne se mettent jamais à table avant 20h, 20h30). Mais j’avais faim, j’avais froid, je voulais un bon gros plat de pâtes bien chaudes. J’étais la seule cliente dans cette grande salle aux tables nappées de vichy rouge et blanc où un jeune homme d’origine sri-lankaise lavait nonchalamment le sol de terrazzo. (Les Sri-Lankais comptent pour le tiers de toute l’immigration en Italie, on les voit partout dans les petits emplois modestes dont personne ne veut.)

Le chef et son comparse portaient des polos qui avaient dû être blancs un jour, maculés de taches de graisse et de sauce tomate à croire qu’ils n’en changent jamais. J’ai eu une pensée pour nos inspecteurs de la salubrité, qui auraient sans doute fait une commotion cérébrale en voyant ça. Et je vous passe les détails sur l’état des toilettes.

Mais ooohhh! Ces rigatoni all’amatriciana tout fumants, qu’ils étaient bons! Que j’ai bien mangé! Et que le patron était gentil! Ça compte plus que tout le reste, non?

Je suis sortie de là repue et contente, j’ai très bien dormi, merci la vie.

Je pars demain, j’avoue que j’ai un peu hâte parce que cette poussée de variant omicron me donne l’impression de courir sur un pont en flammes. En attendant, Paola m’a fort gentiment conviée à souper avec elle, ça me fait grand plaisir et ça me gêne tout à la fois, parce qu’elle va devoir subir ma pauvre conversation de bègue analphabète et sourde. Peut-être qu’un verre de vin ou deux vont m’aider?

Pas si fous, les Romains!

C’est ce qu’on se dit quand on visite les ruines des thermes de Caracalla. Des installations monumentales qui pouvaient accueillir jusqu’à 1600 personnes PAR JOUR, avec une piscine aux dimensions littéralement olympiques, des vestiaires, des gymnases, des bains de vapeur, des bains froids, deux bibliothèques, tout ça sous des plafonds de marbre dont la hauteur pouvait atteindre 40 mètres, et orné de mosaïques, de statues, de fresques…

Je ne vous ferai pas l’historique de tout ça, c’est déjà sur Wikipédia. Allez quand même lire, c’est fort instructif.

Moi, j’ai marché encore 13 kilomètres aujourd’hui, je suis aussi fourbute que mourute et j’ai besoin d’une nouvelle paire de chaussures. J’essaierai de me trouver ça demain, tenez.

Pour l’heure, je me demande où j’irai manger ce soir: c’est dimanche, la plupart des restos sont fermés et j’ai vraiment la flemme de me préparer quelque chose dans la microscopique cuisine de Paola.

Je vous laisse avec des photos de ma virée d’aujourd’hui:

Promenade sur la Via Appia

Un petit bout de la via Appia dans son état original, pavée en lourds blocs de basalte volcanique.


Je suis loin d’avoir tout vu, hein, la portion documentée de la route fait je ne sais combien de kilomètres, j’en ai parcouru à peine sept. Je n’ai pas visité les catacombes, qui me semblaient d’un intérêt limité. C’est une superbe promenade, ça m’a suffi, je suis revenue en bus, affamée et fatiguée. J’ai mangé un sandwich dégueulasse dans un café que m’avait pourtant recommandé Paola, je suis allée faire un tour dans un marché aux puces aux prix délirants et je suis rentrée tranquillement à la maison. Ce sera tout pour aujourd’hui.

Un buste de Jésus par Le Bernin (sa dernière oeuvre) dans l’église San Sebastiano

La Garbatella

La Garbatella, c’est le quartier où je vais passer les trois prochains jours. Créé à la fin des années 20 selon un plan urbanistique précis, avec des immeubles à l’architecture incroyable, il est en dehors de tous les circuits. Pas de touristes ici, mais la Via Appia est à quelques minutes de marche, ainsi que les thermes de Caracalla. Et la vie romaine, la vraie, éclate à tous les coins de rue.

Ooohhh que j’aime ça!

Paola, chez qui je loge, est née ici, elle y a vécu toute sa vie. Rien que pour vous dire, le petit appartement qu’elle habite est celui que ses parents ont acheté quand ils se sont mariés. La cuisine est si minuscule qu’on n’y tient pas à deux, mais le coeur de Paola peut contenir le monde entier.

Dès après mon arrivée, elle m’a emmenée faire un tour dans ses coins préférés, et je comprends qu’elle soit amoureuse de cet endroit. Je le suis aussi désormais.

Si je reviens un jour à Rome (et je le souhaite plus que tout), ce sera ici et, si ça se peut, chez Paola précisément, qui est une formidable enseignante. Avec elle, je finirais sans doute par reparler un italien acceptable.

En attendant, je me sens toujours aussi handicapée, frustrée à l’excès de ne pas pouvoir formuler correctement ce que je veux dire, parce que j’adorerais avoir une véritable conversation avec Paola.

En tout cas.

À propos du saucisson

Je vous avais promis d’essayer le vrai saucisson de Bologne avant de partir, mais j’ai eu la flemme ce matin. Y avait pas de salumeria près de mon logement ni sur le chemin de la gare, il faisait un temps de chien, ça fait que j’ai juste acheté un panino alla mortadella à la stazione – un bon sandwich, pour vrai, avec un bon pain de qualité comparativement à la merde qu’on trouve dans nos gares, quand on en trouve –, et je peux vous dire que ce qu’on vend dans les épiceries italiennes de Montréal est fidèle à l’original. Ni plus, ni moins.

Donc, pas besoin d’écrire à sa mère pour ça. On a ça chez Adonis, tsé.

Demain, je me lève à 6h30, croyez-le ou non, parce que je dois faire le tampone molecolare (le test PCR exigé par les autorités canadiennes pour pouvoir rentrer au pays). Je dois être là à 7h.

Y en aura pas de facile.

Ça fait que buona notte a tutti.


Le saucisson

Je pars demain et je n’ai même pas goûté à un seul petit morceau de saucisson de Bologne, celui qui a dégénéré en «baloney» chez nous. J’aurais quand même voulu vérifier si on a la «vraie affaire». Je dois dire et répéter ici que, pour ce qui est de la sauce bolognaise, on l’a.

Comment expliquer ça?

Pourquoi cette recette (avec toutes ses variantes) s’est-elle implantée chez nous avec autant de force, au point de devenir un classique familial? Et le saucisson de Bologne? Sauf erreur, la vaste majorité des Italiens qui ont immigré au Canada (ou en tout cas au Québec) venaient du Sud: des Pouilles, de la Calabre, du Campobasso – rarement du Nord.

J’vais faire mes recherches, comme on dit.

En tout cas. Je pars donc demain pour Rome, mais je promets de m’arrêter dans une salumeria avant de prendre le train, pour goûter au vrai saucisson de Bologne. J’expliquerai l’affaire au charcutier dans mon très mauvais italien, ça va faire rire tout le monde, je vous conterai ça.

J’ai beaucoup aimé Bologne, mais j’ai quand même très hâte de regagner Rome, où le climat est infiniment plus doux qu’ici, et où, comme j’ai déjà dit, je ne ferai rien d’autre que de vivre une vie à peu près romaine pendant trois ou quatre jours. Pas de musée (ou peut-être un ou deux?), pas de presse, juste la dolce vita.

Buona notte a tutti!


Après Vérone, Bologne

Quand j’ai débarqué à Vérone, PAF! J’ai regretté de n’y avoir réservé qu’une nuit. Mais finalement, c’était très bien comme ça. Je deviens blasée, j’imagine: le moyen-âge, les églises, les toiles du Tintoret, pffff…

Il faisait un froid de la mort, et, comme je l’ai écrit hier, le pseudo-balcon de la Giulietta (photo ci-dessus) m’a laissée de glace. Ceci explique-t-il cela?

J’ai quand même visité le Castelvecchio avant de partir, très impressionnant parce que c’est un formidable exemple de restauration après les multiples destructions et reconstructions plus ou moins fantaisistes qu’on lui a fait subir. Des fresques partout, mais aussi d’audacieuses constructions qui font le pont entre le passé et le présent, comme cet escalier improbable qui t’oblige à mesurer chaque pas:

Et ces fresques si touchantes qui me font fondre, et tout le reste.

Et puis j’ai pris le train pour Bologne.

Bologne a été sévèrement bombardée en 1943, elle en garde des cicatrices graves. Ce sont les premières choses que l’on remarque en sortant de la gare: ces édifices austères construits probablement grâce au plan Marshall, et je me suis vraiment demandé ce que j’étais venue faire ici.
Mais Bologne est remarquable notamment pour les arcades qui bordent toutes ses rues, c’est assez fascinant, et quand on comprend ça, on voit que le pont entre l’ancien et le moderne est plutôt réussi.

Après avoir posé mon petit bagage dans ma chambrette, que pensez-vous que j’ai fait? J’étais morte de faim, je suis allée manger des tagliatelle al ragù à l’Osteria dell’orsa, un endroit qui m’avait été recommandé. C’est la recette mère des sauces à spag de nos propres mères, en fait. C’était bon, mais bon, comme celle de ma mère. Ou celle d’Yves Girard. Ni plus ni moins.

C’est cool, Bologne, une ville habitée, vivante, un peu croche comme j’aime.

Ferrare

J’ai pris le train aujourd’hui pour aller faire un tour à Ferrare, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. J’ai marché à n’en plus finir, tout est magnifique dès qu’on arrive al centro. Il y avait une expo fabuleuse dans la cour centrale de l’hôtel de ville.

Ce qui m’a aussi jetée par terre, c’était de voir tout le monde à vélo (mais vraiment tout le monde: les jeunes, les vieux, les punks, les chics, les pas chics) sur des bécanes sans âge. Une formidable réussite, franchement.

Statue du moine Savonarole le fou

J’ai visité encore un château, avec fresques pis toute, et puis j’ai piraté un bus (j’avais pas de billet) pour retourner à la gare (j’ai encore 19 ans, parfois).

Pour souper, je suis retournée manger à l’Osteria dell’Orsa parce que j’avais tellement aimé ça la veille, même si c’était à 1 km de mon logement et que je n’en pouvais plus, mais tsé, quand tu viens de marcher 10 ou 12 km, qu’est-ce qu’un de plus?

Alors j’ai pris mon courage à deux mains et mes pieds de l’autre, et j’y suis allée, pleine de confiance.

Pis ç’a été dégueulasse. On m’a fait asseoir au sous-sol, près des toilettes, d’où émanait une horrible odeur de désinfectant, où on ne recevait pas de réseau et où j’ai mangé un ragoût de veau infect plein de tiraille avec une triste salade de laitue iceberg. Comme quoi il ne faut jamais espérer répéter les amours d’un soir.

Demain, ou nous annonce un temps de merde, j’en profiterai pour aller dans un musée quelconque ou pour visiter l’université de Bologne avec son amphithéâtre, et pour classer mes photos.

Je repars ensuite pour Rome, où je passerai quatre jours, bien tranquille, à vivre une vie romaine dans un quartier résidentiel qui est peut-être l’équivalent de Rosemont, disons.

Buona notte a tutti!

Venise en vrac et en vrai

Je me rends bien compte que j’ai vu une Venise rarissima. Sérénissime pour vrai, depuis peu et pour on ne sait combien de temps: la piazza San Marco presque déserte (hormis une petite file pour voir la basilique), les rues marchandes «marchables», les canaux aux eaux calmes d’une incroyable couleur de jade, les venelles silencieuses… Pour une fois, je dois bénir la covid (même si l’apparition du nouveau variant me remplit d’anxiété): cette Venise-là n’est pas donnée à tout le monde.

Je reviendrai certainement, hors saison, comme maintenant, flâner dans les quartiers plus populaires où le tourisme de masse ne se rend peut-être pas encore. C’est la Venise que j’ai préférée, la moins lisse, celle qui m’a paru la plus vraie. Grazia a eu un petit rire incrédule quand je lui ai dit ça, au sortir du ghetto, ce minuscule bout d’île où les autorités vétiniennes avaient confiné les Juifs à partir de 1516 (vous saurez, mes amis, que le mot «ghetto» vient de là, une histoire fascinante à lire ici).

J’aurais bien aimé me perdre dans les petites ruelles cachées de ce vieux quartier, où les maisons sont plus hautes qu’ailleurs parce qu’il fallait loger beaucoup de monde dans un périmètre limité.

Manifestement, ce n’était pas du goût de Grazia, qui nous a emmenées là pour me faire plaisir. Ce n’est pas «sa» Venise, si j’ai bien compris – c’est comme si un étranger demandait à un Outremontais de l’emmener dans Hochelaga-Maisonneuve, disons.

J’ai compris que c’est le genre de chose que je ne peux faire que quand je suis seule. C’est bien pour ça que je me promets de revenir.

En tout cas, c’est grâce à Grazia que j’ai pu voir Burano, un bijou fabuleux que je n’aurais jamais pu imaginer et où je ne serais sans doute pas allée sans elle, parce qu’il faut vraiment vouloir. Tout est remarquablement compliqué, à Venise. Si on n’est pas bien préparé, ou si on n’a pas un guide aussi exceptionnel, on est condamné à rester dans les coins les plus fréquentés.

Bon, parmi les milliers de touristes que déversent habituellement les paquebots à Venise, plusieurs centaines réussissent sans doute à se rendre à Burano, moyennant supplément. Mais aucun d’eux n’aura pu contempler ce village de pêcheurs dans toute la beauté et la quiétude qu’il nous a offertes ce jour-là.

Je suis maintenant à Vérone, pour une seule nuit. J’en rêvais depuis toujours à cause de Roméo et Juliette, vous pensez bien. Mais après Venise, bof bof bof…

Le balcon de la Giuletta? Outre le fait qu’il est une pure fiction? Ben j’en ai vu de bien plus beaux et de moins fréquentés, sans imbéciles qui se font prendre en photo avec la main sur un téton de la statue.

Ça fait que demain, je visiterai (peut-être) le musée du Castelvecchio, surtout parce que c’est, dit-on, un exemple fabuleux d’architecture «réparatrice» (mon expression).

Ce qui est certain, c’est que je prendrai un train pour Bologne, où je me ferai un devoir de manger les plus vrais spaghetti alla bolognese de la ville. Et les moins chers, bien entendu.

Buona notte a tutti.

Morte à Venise

Nous sommes arrivées à Venise jeudi soir, Grazia, son amie Enrica et moi, après un trajet de sept bonnes heures de route.


Grazia a conduit tout du long, n’a pas bu une goutte d’eau, n’a rien mangé du tout, n’a pas arrêté de parler, et elle a tenu, quand nous sommes enfin arrivées au Lido (l’île où elle a grandi), à nous la faire visiter de long en long (c’est vraiment pas large) dans la nuit noire, sans jamais arrêter de parler.

Je ne saurais vous dire avec quel délice je me suis étendue sur mon excellent sofa-lit, ni pendant combien de temps Grazia a continué de chiaccherare (jacasser) et Enrica de rire après l’extinction des feux et de mon cerveau (vers 22h).

Vendredi matin, hop, hop, hop! Debout! On s’enfile une couple de cafés et on part. Grazia ne mange pas, le matin. Heureusement, j’ai une alliée en la personne d’Enrica, qui est une humaine normale comme vous et moi. Nous avons donc pu exiger de manger avant de prendre le ferrryboooate pour Venise, et nous avons avalé chacune un tramezzino (la version italienne de nos sandwiches avec-pas-de-croûte, mais avec le raffinement italien) et un cappuccino avant de nous engager dans le marathon que Grazia nous préparait.

Cette femme est une machine, une extraterrestre. Elle est radioactive, hyperactive, tout ce que vous voudrez.

Elle nous a conduites tambour battant dans ce labyrinthe de ponts et de canaux qu’elle connaît comme la paume de sa main – les églises, les campi, les palazzi, les petits passages… J’ai pris des centaines de photos que je ne peux pas mettre ici parce que je vais épuiser mon forfait de données, mais ça viendra.

Bref, ç’a été aussi épuisant qu’enchanteur.

Et v’là-t-y pas que, hier soir, à la fin de cette journée de fou et après quelques verres de vin ou de bière, on se met à parler de la covid. Je vous passe les détails, mais Grazia a passé près de me lancer des assiettes parce que nous n’étions pas d’accord sur les risques de contagion. Je me suis couchée vraiment en tabarnak, et probablement elle aussi.

Mais ce matin, plus rien, tutto bene, on repart à zéro comme si de rien n’était. Sauf que je sais que Grazia se souvient de tout et qu’elle peut te remettre ça dans la face quand tu veux, et même quand tu veux pas.

En tout cas. On a encore vu des merveilles aujourd’hui grâce à elle, j’en suis tout étourdie.

Ce soir, nous étions toutes les trois invitées chez une amie de Grazia, mais j’ai préféré rester ici pour donner un break à mon cerveau, qui fume dangereusement parce que je continue à parler itagnol à des degrés divers, j’ai peur d’un court-circuit.

Je pense partir lundi pour Bologne et y passer quelques jours tranquillamente, puis je retournerai un jour ou deux à Rome sans me prendre la tête.

Buona notte a tutti!