Pélagie: c’est parti!

Je suis allée voir Pélagie vendredi, avant de partir pour un dernier week-end à Grand-Popo. Elle avait fait la majeure partie des achats (50 kg de riz, énorme boîte de spaghettis, marmites d’alu, brûleur au gaz, crevettes et piments séchés, glacière, plats, couverts, etc.), et tout était entassé dans la minuscule pièce commune de sa maison, que son sourire éclairait comme aucun soleil ne l’a jamais fait.

Elle m’a téléphoné à 7h ce matin, comme je le lui avais demandé: je voulais la voir avant qu’elle parte pour son premier lundi de cantine scolaire. Éric et elle avaient mis leurs plus beaux habits. La glacière, bien enveloppée d’un pagne, était remplie de riz aux haricots brûlant. Elle m’en a servi une assiettée, avec un oeuf dur et une bonne cuillerée de ce qu’on appelle «friture», qui est une sauce tomate très dense, parfumée aux crevettes séchées et, évidemment, du feu des piments.

Tandis que Pélagie me servait, une petite fille que je n’avais jamais vue est venue timidement s’encadrer dans la porte. Elle voulait acheter un plat de riz. La première cliente! J’ai trouvé que c’était de bon augure.

Éric a abondamment et cérémonieusement appelé toutes les grâces divines sur ma tête (ce que je m’empresse de partager avec tous ceux qui ont rendu possible la réalisation de ce projet). Je les ai laissés à leurs préparatifs, rassurée: ma Pélagie était fatiguée, mais contente et optimiste.

De ma terrasse, je les ai regardés s’éloigner à moto. Elle tenait sur sa cuisse un immense bol couvert d’un pagne, rempli des petites collations qu’elle vendrait le midi (mini-sachets de poudre de baobab ou de riz grillé aux arachides, qui coûtent 400 F les 20, et qu’elle revendra 25 F chacun). Elle avait aussi un lourd sac à l’épaule, et la glacière était calée sur le réservoir de la moto, devant Éric.

Les comptes

Au jour d’aujourd’hui, nous avons reçu 1430$ de 36 donateurs (1376$ une fois déduite la commission de PayPal). C’est plus de trois fois ce que nous espérions! Cela a permis à Pélagie de s’équiper mieux que prévu, avec du matériel de meilleure qualité. Elle a aussi pu réaliser des économies appréciables en achetant ses matières premières en gros.

Mieux encore, et cela est vraiment inespéré, elle a pu rembourser les 182.000 F qu’elle devait à la Société béninoise d’énergie électrique. Elle pourra donc ravoir le courant et remettre son frigo en marche.

De plus, elle pourra payer d’avance un an de loyer pour sa place à l’école (15.000 F par mois, soit 180.000 F), ce qui lui donne six mois gratuits l’année suivante.

Enfin, elle a entrepris les démarches pour obtenir sa carte d’identité, chose qu’elle n’a jamais eue de sa vie et qui pourra notamment lui servir à ouvrir un compte d’épargne.

En tout, nous avons dépensé jusqu’ici l’équivalent de 1478,29$ (le dollar est à 430F environ).

Voilà, c’est là que nous en sommes. J’irai mercredi la voir à son école, j’essaierai de prendre de meilleures photos que celles que je vous inflige ici – je ne maîtrise pas encore mon nouvel appareil!

Pélagie, la suite

Pélagie au travail

J’ai ouvert le chapitre béninois de ce blogue en vous parlant de Pélagie. Depuis, il s’est passé bien des choses… et pas grand-chose tout à la fois. Sa vie est un combat quotidien pour nourrir ses quatre enfants et son fainéant de mari, qui ne lève pas le petit doigt à la maison sauf pour donner la chicote à Fréjus et chasser les mouches le matin.

Elle vient toujours travailler chez nous deux jours par semaine. Les 30 000 francs (environ 60$) que je lui verse chaque mois suffisent à peine à lui maintenir la tête hors de l’eau. Dès qu’un enfant tombe malade ou qu’il faut payer l’écolage, elle s’endette à des taux usuraires. Parfois, elle pleure de fatigue, de découragement, voire d’angoisse parce qu’elle voit venir le jour de notre départ (le 25 mars). Elle sanglote et se mouche dans son pagne, et je pleure avec elle.

D’autres fois, avant de commencer son ouvrage, ou lorsqu’elle a terminé, elle s’allonge à même le sol sur la terrasse ou dans le corridor (elle refuse le lit et même la natte que je ne manque jamais de lui offrir, elle prétend que c’est plus frais par terre), et elle s’endort dans la minute qui suit comme une bête de somme.

Nous verrouillons désormais la porte quand elle est là pour que les enfants lui laissent un peu la paix.

J’ai inscrit Mirabelle au Centre de réadaptation à base communautaire, où on essaiera de stimuler ses fonctions cognitives. Elle aura le suivi d’un psychologue et d’un travailleur social d’Assovie (un partenaire d’Oxfam, merci la vie!), et peut-être même pourra-t-elle apprendre un petit métier quand elle aura 14 ans, c’est-à-dire l’an prochain. Me voilà donc rassurée de ce côté, d’autant plus que Pélagie bénéficiera aussi du suivi psychosocial.

Il me reste à aider Pélagie à démarrer une petite entreprise, ce qu’on appelle, dans le jargon humanitaire, une AGR : une activité génératrice de revenus.

Elle s’est fait offrir une place dans une école, où elle pourrait tenir une petite cantine contre un loyer qui reste à négocier. Elle servirait du riz et des haricots sauce tomate, des oeufs durs, des spaghettis. Des plats à 100 francs (20 cents), mais une clientèle assurée jour après jour. Elle a besoin d’un fonds de démarrage, environ 400$, pour acheter une glacière, un brûleur à gaz (moins cher et plus rapide que le charbon qu’elle utilise en ce moment), des assiettes de plastique réutilisables, des couverts, quelques casseroles et les denrées de base (riz, farine de maïs, pâtes, tomates, ail, oignons, etc.). Elle pourra aussi payer d’avance au moins six mois de loyer.

Vous me voyez venir, avec mes gros sabots?

En ce 8 mars, au moment où l’ONU met l’accent sur le rôle indispensable des femmes dans la société et sur l’importance de leur donner les moyens de devenir autonomes financièrement, je vous donne la chance d’agir, si peu que ce soit.

Si 40 personnes acceptent de contribuer à hauteur de 10$ (ça peut être 5$, 20$, même plus, hein), nous pourrons l’équiper correctement. S’il y a un surplus, je le verserai dans un compte d’épargne à son nom.

Un peu d’aide directe, ça vous dit? Cliquez sur le bouton ci-dessous pour faire un don par PayPal. C’est une méthode de paiement parfaitement sûre. Autrement, les plus modernes d’entre vous peuvent faire un virement Interac par courriel à mon adresse: fabienne.couturier@hotmail.com. La plupart des banques canadiennes offrent ce service.

Je ferai des comptes rendus réguliers.

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