Spiritualité et autres considérations

Mon Dieu, mon Dieu, où suis-je tombée? Il y a en ce moment à Huanchaco (je ne sais pas si c’est habituel) un rassemblement de membres d’une secte péruvienne, le Peuple d’Ézéquiel, aussi dits Israélites du Nouveau Pacte (ou quelque chose du genre).

Apparemment née d’une scission d’avec les Adventistes du septième jour, la secte des Israélites allie culture inca et Ancien Testament dans un magma de croyances qui voulaient que leur prophète autoproclamé meure crucifié par l’Église catholique en l’an 2000 (ce qui devait coïncider avec la fin du monde), après quoi son corps resté sans sépulture pendant trois jours s’élèverait au ciel ou ressusciterait ou je ne sais plus quelle autre sornette, prédiction qu’ils ont dû corriger quand ledit prophète est tout bonnement mort d’une crise cardiaque bien avant son temps. Heureusement, le bonhomme Ézéquiel, avant de passer l’arme à gauche, avait eu la prévoyance de désigner son éventuel successeur en la personne de son propre fils, lequel, puisque le père était le fils de Dieu en personne, se trouve à être son petit-fils (me suivez-vous?).

Pour résumer, les Israélites du Nouveau Pacte sont convaincus que le Pérou est une terre sainte et qu’un bon jour des chariots de feu les emmèneront vivre la vie éternelle sur une autre planète après un paquet de péripéties dont je vous épargne le détail.

L’être humain ne cessera jamais de m’étonner.

Je loge dans une petite pension tenue par un jeune couple néerlando-péruvien pourvu d’un adorable bébé d’un an et demi. Voyez comme je suis pognée dans mes stéréotypes de genre, j’étais sûre que c’était une fille à cause de ses cheveux longs réunis en petite couette frisée au sommet de sa tête. On s’en fout, mais pas tant que ça puisque le papa s’est empressé de me détromper. En tout cas, j’ai rarement vu un bébé aussi joyeux. Il rigole tout le temps, il jase, il gazouille, on s’aime déjà bien tous les deux.

J’ai fait aussi la connaissance d’un couple de Français, Adèle et Romain, qui étaient venus passer trois jours et qui restent collés depuis deux semaines, conquis par la gentillesse des hôtes, les bonnes vibrations, les ondes positives, le surf, l’énergie vitale qui se dégage des murs et des plafonds, name it. Ils m’ont raconté que, hier, ils ont fait l’expérience du venin de crapaud amazonien, que leur a instillé un couple d’Allemands qui revenait de la jungle. Une expérience spirituelle fantastique, un rituel magique, un instant de pure vérité, je ne vous dis que ça. Paraît que ça te guérit de tout, même de ce que tu sais pas que t’as.

Une chance que j’étais pas là.

Il y a un autre couple, italo-néerlandais celui-là, qui voyage avec un bébé d’un an et demi lui aussi. Luca (le bébé) est malade depuis quelques jours, ses parents lui donnent un antibiotique pour le soigner. Un enfant aux couches qui souffre de diarrhée, mettons que tu veux que ça se règle au plus sacrant, autant pour lui que pour toi. Regard désolé d’Adèle, qui révèle aux parents que tout ça peut se soigner naturellement, sans antibiotiques, qui sont full mauvais por el cuerpo… et qui, 15 minutes plus tard, se roule et fume une cigarette, chose qu’elle et son chum font je ne sais combien de fois par jour.

L’être humain, je vous jure, ne cessera jamais de m’étonner.

Bon, je me moque un peu, mais pour vrai, toutes ces personnes sont d’une gentillesse infinie. J’ai juste un peu peur qu’ils m’offrent un massage dans le genre de ceux qu’ils se donnent mutuellement tout bonnement en conversant (mon corps, c’est mon corps, ce n’est pas le tien…) ou qu’ils découvrent que je suis complètement insensible aux ondes positives. Et que j’aime bien le cochon de lait grillé.

Sinon, pour parler un peu de Huanchaco, c’est un ancien village de pêcheurs devenu un paradis pour les surfeurs. Autrefois, les pêcheurs partaient en mer à califourchon sur de petites embarcations faites de roseaux, les caballitos de totora («petits chevaux de roseau», ou quelque chose comme ça). Ils surfaient bien avant l’invention des planches de carbone!

Aujourd’hui, bien peu de gens savent encore fabriquer les caballitos. D’ailleurs, j’ai lu quelque part que les marais où poussaient les roseaux ont presque tous été asséchés. Mais il reste de valeureux gardiens des traditions, tel ce monsieur que j’ai rencontré en me promenant au hasard des rues.

Plus je voyage, plus j’ai l’impression d’assister aux derniers instants de ces cultures millénaires. Je me souviens d’avoir eu les mêmes réflexions l’an dernier en Grèce.

En tout cas, pour en revenir à Huanchaco, la ville a les mêmes airs que toutes les petites villes balnéaires des pays dits pauvres, avec ses hippies de tous les âges qui ont fini par s’y installer parce que la vie n’est pas chère, parce qu’il y fait bon, parce que parce que.

Les vagues sont généreuses, obliques, écumantes. Aujourd’hui dimanche, les familles pique-niquaient, jouaient au ballon, osaient parfois se baigner. J’ai longuement observé un homme qui, courbé dans l’eau froide, récoltait probablement des coquillages qu’il enfilait dans un long sac attaché à sa taille et qu’il traînait derrière lui entre ses jambes — un vrai travail d’esclave — pendant que les surfeurs jouaient comme de jeunes chiens dans la houle de fin de journée.

Deux petits garçons de sept ou huit ans à l’air soucieux sont venus me vendre des bonbons à 1 sol le paquet. Je suis certaine qu’ils ne vont pas à l’école, qu’ils passeront leur vie comme ça, à arpenter la plage, les rues, les bus, pour vendre de petites choses.

Qu’est-ce qu’il disait, Orwell, déjà?

Crise politique

À travers la vitrine sale du bar de la Catedral del Pisco, au Gran Hotel Bolívar, j’ai vue sur la plaza San Martín, d’où partent toutes les manifestations à Lima. Les gens ont commencé à s’y rassembler vers 16h, une petite foule paisible qui a enflé lentement, sous le regard des policiers en tenue de combat.

La police est sur un pied d’alerte depuis hier, en prévision d’un vote au Parlement sur l’éventuelle destitution du président, Pablo Kuzcinski, dit PPK, lequel a finalement démissionné. Sa renuncia n’a rien réglé parce que ceux qui le haïssent veulent qu’il soit jugé pour corruption (et aussi parce qu’il a amnistié Alberto Fujimori, lui-même accusé de crimes contre l’humanité par la cour pénale internationale) et craignent qu’il ne quitte le pays pour échapper à son procès.

Hier toujours, on a diffusé des vidéos qui montrent des fujimoristes en train d’essayer d’acheter des votes contre la destitution de PPK, alors que, en principe, ces deux partis ne devraient pas être alliés.

En tout cas, c’est compliqué, et je ne vous ferai pas un cours de politique péruvienne, je suis loin de m’y retrouver. Seule dans le bar où j’ai commandé une Cusqueña malta, j’assiste à ces événements (comme à tout le reste) avec intérêt. J’aurais bien aimé être accompagnée de quelques collègues d’Allpa pour pouvoir en discuter, mais il semble que tous aient eu mieux à faire ce soir.

Depuis un moment, le portier du bar a fait baisser le rideau de fer, et un bataillon d’agents casqués vient de s’aligner devant «ma» vitrine, si bien que je ne vois plus rien de ce qui se passe (ou ne se passe pas) sur la place. J’aurai une haie d’honneur quand je sortirai pour parcourir les 10 mètres qui me séparent de la porte de l’hôtel. Et il ne se passera rien d’autre: j’ai vu courir quelques personnes et entendu deux détonations il y a une heure, mais maintenant tout est calme: des gens déambulent tranquillement dans la rue et les clients du bar ne jettent même pas un oeil vers l’extérieur.

On verra donc demain aux nouvelles comment tout cela aura abouti.

En attendant, je m’en vais essayer ma haie d’honneur, dont déjà les rangs se sont éclaircis. Est-ce parce qu’ils ont été appelés ailleurs?

Ma nuit avec Móvil

La «comida deliciosa» selon Móvil.

À Caraz, la gare routière de Móbil (ici, chaque entreprise de transport a son propre terminus) se trouve dans un coin perdu, au fond d’une ruelle caillouteuse où le moindre souffle de vent soulève une poussière jaune qui vous entre dans les narines et vous colle à la peau. Le bâtiment lui-même a l’air de n’avoir jamais été terminé. De son plafond de tôle ondulée pendent des néons impitoyables qui jettent une lumière crue sur la salle d’attente aux sièges évidemment bruns. Une petite vieille tout emmitouflée dans ses châles, avec à ses pieds un carton où sont disposés des paquets de biscuits à 50 centavos (20 cents), des tablettes de chocolat, des bonbons, des bouteilles d’eau, somnole, la tête penchée sur l’épaule, en attendant les clients.

J’avais hâte de m’installer dans mon siège Ejecutivo VIP, où Móvil te promet «ton propre salon VIP sur roues», avec une comida deliciosa, le wifi pour garder le contact avec tes amis, un système de divertissement à la fine pointe de toute, bref, la félicité.

Ce sont des cars à deux étages, ma place était au primer piso. J’aime mieux ça, je me dis que si le bus capote (ce qui arrive presque chaque semaine sur les routes du Pérou), je vais tomber de moins haut. J’avais pris soin de réserver le premier siège de la rangée en me disant que ce serait plus confo, plus «privé», je sais pas quoi.

Mais je n’avais pas prévu que j’aurais dans la face la porte que le jeune agent de bord (on essaie vraiment de nous faire croire qu’on est en avion) passe son temps à ouvrir et à fermer pour les besoins de son service. Et que je te passe des écouteurs, et que je reviens pour distribuer la comida deliciosa (en l’occurrence, un genre de mini-brioche vaguement teintée de confiture et un petit gâteau, nettement suremballés, ce qui ne les a pas empêchés de se désintégrer après une nuit passée dans mon sac à main), et on repasse pour les boissons, et on revient encore pour ramasser les gobelets vides, bref, ouvre la porte, ferme la porte, ouvre la porte, ferme la porte…

De l’autre côté de cette porte, je vous le donne en mille? Celle des toilettes, dont on prend soin de te préciser, deux fois plutôt qu’une, qu’elles ne doivent servir qu’à URINER (on le dit vraiment en majuscules). Fait que chaque fois que notre jeune préposé ouvrait la porte de notre compartiment, j’avais en même temps une bouffée des effluves du produit chimique dans lequel on n’est pas censé faire caca. (Je me demande d’ailleurs comment ils font pour savoir si on obéit aux consignes ou si on profite hypocritement du fait que la porte est verrouillée pour faire un infâme numéro deux. Ont-ils des détecteurs? Des caméras cachées?)

En tout cas, bref et pour résumer, je n’avais pas choisi le meilleur siège. Une vague nausée s’est emparée de moi, au point où je me suis demandé si on avait le droit de vomir dans les toilettes ou s’il fallait pour ça aussi demander l’assistance du personnel (comme on le conseille pour le fameux numéro deux, auquel cas, m’a-t-on dit, on arrête le bus quelque part pour te permettre de te soulager, en toute discrétion). Mais bon, quand le jeune homme a fini par se calmer, ma nausée en a fait autant, que saint Christophe, patron des voyageurs, en soit remercié.

J’ai essayé de sélectionner un film sur mon système de divertissement personnel dernier cri, mais ce dernier cri devait être celui de la mort parce que je n’ai jamais réussi à en tirer quoi que ce soit. Quant au wifi à bord, ai-je été naïve! C’est pourtant écrit en toutes lettres sur le site de Móvil: «Selon disponibilité» (ou quelque chose du genre). Fait que j’ai pris une petite bleue (merci, Imovane), gonflé mon oreiller Air France, mis mon masque et mes bouchons d’oreilles, je me suis drapée dans la couverture orange fluo que nous fournit gracieusement Móvil, et je me suis endormie comme l’enfant qui vient de naître.

Comme l’enfant qui vient de naître, je me suis réveillée au bout de trois ou quatre heures, mais pas parce que j’avais faim. C’est qu’on était dans les montagnes, sur une route non asphaltée (ou qui l’a été il y a très, très, très longtemps) avec des virages à 180 degrés, si bien qu’on avait l’impression de se trouver dans une laveuse dont la charge est mal répartie au début du cycle d’essorage.

À cause des changements d’altitude, j’avais les tympans qui me jouaient un solo de drum en stéréo. J’ai eu beau déglutir, ouvrir la bouche à m’en décrocher la mandibule, rien à faire.

Je me suis heureusement rendormie, pour me réveiller vers 5h30 alors qu’on entrait dans Lima. Autour de nous, des bus bondés de travailleurs (bondés! À 5h du mat!), des camions lourds, des VUS, des klaxons, des vendeurs de journaux debout au milieu de la chaussée et du smog… bienvenue en ville.

Notre car est arrivé au terminus à 6h30, avec près d’une heure d’avance sur l’horaire prévu, chose immensément improbable, si bien que j’ai réveillé les aimables propriétaires du petit B&B où je loge pour deux nuits: ils ne m’attendaient que pour 8h. Ils m’on fait du café (j’en suis à mon troisième), j’ai pris mon petit-dèje (avec des confitures maison), une chambre vient de se libérer et on est en train de la préparer pour moi, je vais m’y allonger avec délices, solo de drum ou pas.

J’ai apporté mon masque Hydratation intense Sève végétale hydrocaptrice Yves Rocher, vous allez voir ce que vous allez voir: je serai fraîche comme une fleur au coquetel de l’ambassade. Ou en tout cas pas plus fripée que ma robe.

Santé mentale

J’ai reçu un courriel de l’ambassade du Canada, l’autre jour, qui invitait les coopérants à un coctel de agradecimiento le lundi 19 mars (l’invitation était trilingue, mais coctel de agradecimiento, je trouve ça plus joli que «cocktail de reconnaissance»). Je n’y ai pas fait attention. Je savais déjà que j’irais à Lima pour un forum vraiment passionnant sur la jeunesse et l’agriculture, qui commence le 22 (et dont je reparlerai sûrement). Mais je n’ai pas songé trois secondes à devancer mon départ pour assister à cette activité mondaine.

En fait, j’y ai songé, et il m’a fallu bien moins de trois secondes pour envoyer ce courriel au panier: je n’aime pas assez Lima pour y passer trois jours de trop, me suis-je dit. Et je me rends compte, à mesure que je vieillis, que les mondanités m’ennuient profondément.

Mais hé. C’était sans compter ma très chère Sarah, cette soie, coordonnatrice du programme de volontariat au Pérou, qui avait bien vu que je filais un mauvais coton depuis un petit moment.

Une soie qui reconnaît un mauvais coton, haha.

OK, s’cusez.

En tout cas, elle est forte, cette fine mouche. Elle a l’âge d’être ma fille, mais de nous deux elle est de loin la plus sage et la plus avisée. Donc, elle a insisté (à sa manière, hein) pour que j’aille à ce fameux cocktail, où elle espérait que je présenterais brièvement à l’aimable assistance le comment et le pourquoi de ma présence au Pérou.

À travers la réverbération, les parasites et tout ce qui a compliqué notre conversation, elle m’a carrément dit, à un moment donné, que ce serait bon pour ma santé mentale.

Ma santé mentale?

Il y a quelques années, cette remarque aurait été complètement déplacée, impensable, irrecevable. Je pense à certains de mes patrons à La Presse ou à la Place des Arts, qui auraient aimé mieux dealer avec un cancer des ovaires ou un mal de dents. Je serais allée voir le gynéco ou le dentiste, merci, bonsoir, on en aurait parlé ou pas, mais ça se serait arrêté là.

Je peux vous dire que les temps changent, doucement. Pour le mieux.

En tout cas, ma Sarah a dit ce qu’il fallait. Le simple fait qu’elle évoque mon moral m’a ranimée. Je me suis sentie tout à coup moins seule. Et elle m’a fait réaliser deux choses: en fin de compte et premièrement, j’ai besoin de sortir de Caraz. Deuxièmement et pour commencer, je ne connais pas Lima tant que ça, on a droit toutes les deux (la ville et moi) à une deuxième impression.

Ça fait que je pars dimanche soir pour Lima par le bus de nuit. Je me suis offert l’équivalent de la première classe, qui coûte la somme folle de 80 soles (soit environ 32$), avec des sièges qui se convertissent en lits, ni plus ni moins.

Je vais passer la semaine là-bas, et voilà que, mis à part ce fameux forum où je retrouverai avec joie tous mes collègues, j’ai repéré un musée du textile tout près de l’ambassade. Si je disparais sans laisser de trace, c’est là qu’il faudra me chercher.

Ensuite je prendrai un autre bus de nuit de Lima à Trujillo, troisième ville en importance au Pérou et, dit-on, l’une des cités coloniales les mieux préservées du pays. Et je passerai la semaine à Huanchaco, tout près de Trujillo, d’où je pourrai visiter plein de lieux magnifiques et pleins d’histoire(s).

Ça fait que tout va bien, finalement.

Merci, Sarah.

Vivre dangereusement

Aujourd’hui, désespérée par la quantité de cheveux que je trouve quotidiennement partout (dans mon assiette, sur l’éponge de l’évier, sur mes vêtements), sans parler de mon peigne et du balai (le balai, c’est vraiment effrayant), j’ai décidé de passer à l’acte et de faire couper ce qu’il me reste, dans l’espoir d’en sauver une partie.

Il y a à Caraz bon nombre de petits salons de coiffure, en particulier dans l’une des étroites rues qui mènent au marché, ainsi qu’au marché lui-même. Mais, pour dire le moins, aucun ne m’attirait vraiment. Ici, on ne lave pas cheveux avant de les couper. Est-ce qu’on lave les peignes, les brosses? Je ne sais même pas si c’est la norme au Québec, mais disons que l’état des lieux en général ne me disait rien qui vaille. Et puis sur quel genre de coiffeuse peut-on tomber? Une qui s’est improvisée telle? Une qui n’a jamais coupé de petits cheveux mous?

J’ai arpenté comme ça les environs du marché jusqu’à tomber sur une échoppe toute peinte en vert lime, qui semblait propre et bien tenue. Un critère comme un autre. Et ça n’était pas non plus comme si je devais aller aux Oscars…

Je suis entrée, je ne voyais personne, j’ai lancé un «Buenas tardes?» et la proprio a émergé de derrière la porte, je pense que je l’ai réveillée. Je lui ai expliqué mon problème, elle m’a montré des modèles, je lui en ai montré d’autres et, comme d’habitude, j’ai fini par dire: «Haz lo mejor» (fais de ton mieux), et vogue la galère.

Un genre de lâcher-prise qui m’a (presque) toujours servie.

En tout cas.

Mary (prononcez Maaaaari) a été teeeellement fine! On a papoté (rien que ça, papoter en espagnol, je peux vous dire que c’est bon pour mon moral), elle m’a demandé quel shampooing j’utilise, elle a trouvé que je n’étais pas du tout au bord de la calvitie, et elle m’a fait une vraiment belle coupe dans les règles de l’art, en prenant tout son temps.

Quand elle m’a enfin enlevé l’affreuse cape noire qui fait qu’on a tous l’air de condamnés à mort, j’ai vu comme elle avait bien travaillé. J’avais peut-être 10 grammes de cheveux en moins, mais oh! Comme je me suis sentie légère, rajeunie, rafraîchie!

Elle a beaucoup ri de voir mon contentement, et j’espère qu’elle sait à quel point elle m’a fait du bien.

Je regrette de n’avoir pas pris sa photo, qui serait bien plus intéressante que la mienne, mais voilà.

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Nourritures (2)

Je vous ai dit l’autre jour que l’ordinaire du Péruvien moyen est plus qu’ordinaire. C’est ce que je partage avec mes collègues tous les midis de semaine, bien plus pour le plaisir d’être avec eux que pour celui, de plus en plus rare dans mon cas, de manger.

Chaque jour, je m’attaque à mon assiette sans plaisir ni appétit, si bien que jamais je ne la finis. Il faut dire que les portions font peur. J’en laisse toujours la moitié, sinon les trois quarts. Au Bénin, mince consolation, je savais que rien n’irait à la poubelle, que quelqu’un, à la cuisine ou ailleurs, serait bien content d’avoir ce repas pour rien.

Ici, le mieux que je puisse espérer, c’est qu’on donnera mes restes aux innombrables chiens qui squattent tous les recoins du Pérou (un truc que je ne comprends absolument pas: pourquoi tant de chiens? Mais c’est un autre sujet).

Je vais finir par demander des demi-portions, ou par me contenter de la soupe sans prendre le plat (ou l’inverse).

Heureusement, depuis peu, mon collègue José, grand gourmand devant l’Éternel, a saisi l’intérêt de s’asseoir à côté de moi à l’heure du repas. Je lui file la viande coriace de ma soupe, les pommes de terre et le riz que je ne suis plus capable d’avaler, la moitié de ma truite frite (oui, de la belle truite saumonée, très bonne, mais frite…), le dessert dont j’ai pris deux bouchées.

De mon côté, je quête à la cantonade la salade (quand il y en a) de ceux qui n’en mangent pas (il y en a), et je picore sans permission dans l’assiette de mes commensaux pour goûter, au cas où je trouverais quelque chose qui me plaît. Résultat, on rit beaucoup, notamment parce que mes manières ne collent pas trop à l’étiquette, et aussi parce que je commence à pouvoir dire des niaiseries dans mon espagnol un peu moins bancal.

Même chez moi, dans ma cuisine, je reste sur ma faim: les pâtes sont de mauvaise qualité, ma cuisinière chauffe trop ou pas assez, on dirait que je ne réussis plus rien. Sauf ce soir, où j’ai fait une bonne frittata avec plein de légumes. Il manquait juste une bonne tranche de bon pain grillé.

À propos, j’ai acheté le grille-pain d’une collègue qui repartait au Québec.

Je rêvais de sandwiches toastés aux tomates pleins de beurre, de mayonnaise et de laitue croquante, et aussi de toasts au beurre d’arachide et banane, les deux choses que je pourrais manger sans me lasser pendant des semaines.

Hélas. Encore faut-il trouver du pain de mie. Et du beurre d’arachide qui ne soit pas complètement dénaturé.

Pour le beurre d’arachide, mon amie et voisine Ana m’a aimablement offert de me prêter son robot culinaire. On trouve des arachides au marché, ça devrait faire l’affaire.

Pour le pain, malgré un échec annoncé pour cause de four dysfonctionnel, je vais peut-être essayer d’en faire.

Des fois que ça marcherait?