De retour à Mexico!

C’est quand même curieux: je suis rentrée à Mexico, après six heures de route, avec le sentiment de regagner une sorte de havre de paix, comme disent les dépliants touristiques. Six heures de route pour parcourir un peu moins de 300 km, mais quels paysages! Des orangeraies à perte de vue, des plantations d’agaves ponctuées de stands de pulque (un alcool fermenté fait à partir de la sève de l’agave, dont je ne désespère pas de trouver une version embouteillée), des vallées spectaculaires…
En arrivant en ville, j’ai trouvé les rues avenantes, les gens beaux, le climat confortable, la lumière splendide – bref, vive Mexico! Qui plus est, le Zócalo est quasi débarrassé de la hideuse structure qui abritait l’expo Mexico en tus sentidos, qui a pris fin la semaine dernière. On peut donc en admirer presque sans obstacle l’immensité et l’harmonie.
Le seul hic, c’est que je n’ai pu obtenir une chambre dans l’auberge internationale que je convoitais. Je loge dans un hôtel très correct qui me coûte trois fois rien (200 pesos, soit environ 16$), mais ça fait que je passerai vraisemblablement le week-end seule avec moi-même. Or, je trouve que je commence à manquer de conversation. Mais bon, il y a pire après l’enfer de Tuxpam (!!). L’autre truc, c’est que mes voies respiratoires me signalent avec insistance que la pollution à Mexico n’est pas une vue de l’esprit. Mais encore là, il y a pire…
Aujourd’hui, dernière tentative pour obtenir une chambre à l’Hostal Mexico City, puis direction Museo Bellas Artes pour acheter un billet pour le ballet folklorique de Mexico. J’irai ennsuite flemmarder au marché d’artisanat pour flamber quelques pesos supplémentaires. Je voudrais bien finir la journée au parc Garibaldi, repaire des mariachis, mais on dit que c’est un quartier un peu glauque. Comme femme seule, il y a quand même des trucs à éviter… Mais j’irai peut-être avant la nuit.

Ah, et puis zut!

Quand j’ai écrit hier que le calme est une notion toute relative au Mexique, je ne croyais pas si bien dire. J’imaginais Tuxpam comme une paisible bourgade assoupie au bord d’un fleuve paresseux; je me voyais flâner au bord de l’eau, m’arrêter casser la croûte chez un marchand de tacos ambulant, lire ou observer les gens sous les arbres du Parque Central, filer passer une journée à la plage… Pfff!
Dites-vous bien une chose: si les guides de voyage ne parlent pas d’un lieu, c’est qu’il n’en vaut généralement pas la peine. Ni le Routard ni le Michelin n’avaient évoqué le moindrement Tuxpam. Mais le Let’s go, lui, en faisait une description dithyrambique. J’en déduis que a) soit la ville a beaucoup, beaucoup changé depuis que le guide a été publié ou b) soit ses rédacteurs en fument du vraiment bon (Acapulco Gold?). Je penche pour la seconde option.
Forte de la recommandation de ce guide, je me suis dirigée vers l’hôtel La Parroquia. Vue sur le fleuve, pas cher, propre… Hum. Vue sur le fleuve, certes. Mais aussi sur le boulevard à quatre voies qui le longe. On aurait voulu attenter à ma santé mentale, on n’aurait pas fait autrement. Une ampoule fluo brillait de tous ses feux droit dans ma fenêtre, et le bruit de la circulation m’empêchait même d’entendre le son du vieux James Bond qui passait à la télé (avec Sean Connery, en anglais British sous-titré en espagnol, tout un exercice intellectuel, vous saurez). Mais c’est Guantanamó, ici! me suis-je dit (heureusement, Pierre m’avait laissé des bouchons pour les oreilles – merci, merci! –, ce dont Omar Khadr, le pauvre, n’a jamais bénéficié).
Du reste, ce n’est peut-être pas un hasard. Paraît que le Che et Fidel se sont réfugiés ici même, à Tuxpam, dans les années 50. Il y a d’ailleurs un musée à ce sujet quelque part de l’autre côté du fleuve. Mais je n’irai pas. Malgré la gentillesse de la dame qui tient l’hôtel, qui m’a vanté les mérites de la plage, de sa ville et de son carnaval qui a lieu en fin de semaine (imaginez le TAPAGE!!!), je file à Mexico illico. Tant qu’à entendre des voitures et des klaxons, autant que ce soit pour quelque chose.
J’y serai, ojalá, dans six petites heures.

Papantla

Me voici à Papantla, où je suis venue essentiellement pour voir les ruines d’El Tajín, dont on dit qu’elles sont les plus vastes et les mieux conservées du pays. C’est sûrement vrai, et c’est assurément très beau, mais ce que je voulais surtout voir, ce sont les voladores, ces acrobates avant la lettre, qui descendent d’un mât de 30 m en tournoyant, attachés par la taille à une corde qui se déroule lentement et les amène jusqu’au sol. J’ai bien cru que je serais victime encore une fois de mon sens du timing (assez approximatif jusqu’ici), mais comme je descendais du camión (ainsi qu’on appelle les bus locaux), j’ai entendu l’air de flûte que joue le chef des voladores, perché au sommet du mât sur une minuscule plateforme circulaire que les Mohawks, qu’il paraît qu’ils n’ont pas le vertige, ils en seraient jaloux!

Quel spectacle! Pas aussi extrême que je l’aurais cru, mais gracieux, touchant, émouvant, surtout lorsqu’on songe que ce rituel existe depuis des siècles.
Après ma visite des ruines, que j’ai écourtée parce que l’orage menaçait, je suis rentrée tout à l’heure en ville et je suis allée m’asseoir au comptoir d’une taqueria, au marché. Le type qui faisait les tacos travaillait tellement vite, on aurait cru un film en accéléré! Mais le plus beau de l’affaire, c’est qu’il a pris le temps de me faire la causette en toute tranquillité et en rigolant avec les autres taqueros des comptoirs voisins: «Ah, vous avez vu, la Canadienne, c’est chez nous qu’elle est venue!»

Le taquero d’en face me faisait des mines désolées, tout le monde me regardait avec un air de gentille curiosité, notamment, m’a-t-il semblé, pour voir si j’allais m’étouffer avec la salsa roja. Mais j’ai fait pas mal de progrès depuis la Thaïlande, héhéhé!
En tout cas, 22 pesos (c’est-à-dire environ 1,70$) pour ces quatre succulents tacos et un Coca, surtout servis dans ce contexte, c’est franchement donné!
Je pars en fin d’après-midi pour Tuxpan, où je compte ne pas faire grand-chose sauf manger et me promener le long de l’eau, histoire de faire des réserves de calme avant de retourner à Mexico.
Mais le calme ici est une notion hautement relative, même dans les villages les plus reculés. Il y a toujours du bruit partout: klaxons, moteurs exténués des camiones, sifflet des agents de circulation, musique qui joue à tue-tête dans les autos, les boutiques et les restos, télé qui tonitrue, ventilos ou climatiseurs hors d’âge, carillon de la cathédrale… Une symphonie inachevable!

Xalapa

Mon amoureux est reparti hier matin pour la vraie vie, je suis donc seule pour la semaine et un peu déstabilisée. J’ai quitté Veracruz hier midi, il faisait une chaleur puante et étouffante, ce qui a largement influé sur mon choix de venir à Xalapa, capitale de l’État de Veracruz et ville universitaire qui abrite un musée ethnographique digne d’intérêt. J’avais lu que le climat y est frais et la vie culturelle assez riche. Vaya, me suis-je dit, je vais me faire des amis à l’auberge de jeunesse (qui, contrairement à son appellation, reçoit de plus en plus d’anciens jeunes comme moi, qui n’ont jamais cessé de les fréquenter) et j’irai au musée, puis à Coatepec, désigné pueblo magico par l’office du tourisme mexicain.

Mon sens du timing en a décidé autrement: le musée est fermé le lundi, et nous sommes exactement quatre clients à l’auberge de jeunesse, dont une jeune femme qui s’était mis en tête de s’exercer à la jonglerie sur la terrasse que surplombe ma fenêtre en écoutant de la musique comme une sourde dure d’oreille et malentendante. Les quilles de plastique tombaient toutes les 30 secondes sur le dallage (bong! boboing boing!!!)… Comme il était quand même 22h et que j’avais vraiment envie de dormir, je suis allée lui demander gentiment de bien vouloir bajar la música. Elle m’a regardée à travers ses dreadlocks comme si j’étais un caca de chien collé sous ses sandales indiennes. Je l’aurais grémie, comme disait ma mère, mais je me suis retenue. D’autant plus qu’elle a quand même obtempéré pour ce qui est de la musique. Tout en continuant de laisser tomber ses &@#~!!@€!! quilles par terre (je pense que les dreadlocks devant les yeux sont rédhibitoires).

Aujourd’hui, donc, journée à ne pas faire grand-chose. Xalapa n’est pas particulièrement jolie mais cache quelques coins assez sympa, comme un lavoir du XVIe siècle dans un square plein de fontaines ruisselantes et d’abreuvoirs destinés aux mulets des paysans qui venaient autrefois vendre leurs produits en ville. Les rues sont pentues, cabossées, tortueuses, dallées d’énormes pierres noires, et l’artère principale est bordée d’immeubles républicains assez pompeux. Demain, musée, et peut-être cap sur Papantla, près des ruines d’El Tajín, à quatre heures et demie de bus.

Vamos a la playa (bis)

Hier, prise d’une folle témérité, j’ai proposé à Pierre de reprendre une pirata pour aller voir Sontecomapan, bourgade nichée au bord d’une lagune à une petite demi-heure de Catemaco. Il y a là, avais-je lu, de jolies mangroves, peut-être la possibilité de faire un tour de barque et même d’aller à la plage.

Chose dite, chose faite, nous revoilà dans la boîte d’un pick-up, le nez au vent comme de jeunes chiens, humant de riches odeurs végétales (on aurait dit que quelqu’un avait renversé une bouteille de shampoing Herbal Essence!), parmi les frangipaniers, les hibiscus, les pothos géants et les pâturages d’un vert éblouissant.

Arrivés à Sontecomapan, les lancheros nous ont tour à tour abordés pour nous offrir de nous emmener en barque voir la mangrove (c’est la basse saison, les affaires sont calmes et la concurrence est féroce).
Un large panneau annonçait les tarifs des colectivos (bateaux-taxis collectifs), dont l’un allait à La Barra, une plage à l’embouchure de la lagune dont une dame nous avait dit la veille le plus grand bien. Nous avons sauté dans celui qui partait à l’instant (40 pesos par tête, soit environ 3,50$), pour parcourir un époustouflant couloir aquatique bordé de palétuviers, de lotus et de lentilles d’eau jusqu’à la lagune elle-même, qui brille au milieu de collines qui ont dû être des volcans, puis jusqu’à La Barra, bande de sable où ont poussé quelques maisons, entre mer et lagune.

La journée que nous avons passée là! La plage, immense et quasi déserte, est baignée d’une eau claire comme du cristal, agitée de vagues qui bercent tout doucement une écume phosphorescente. Nous étions les seuls touristes étrangers. Encore un lieu, nous sommes-nous dit, qui n’échappera pas longtemps à la cupidité des promoteurs. Profitons-en pendant qu’il en est encore temps!

Une vieille dame avait installé un étal où elle écaillait de toutes petites huîtres très fraîches et très douces, qu’elle servait accompagnées de sel, de citron vert et de l’incontournable chile.

Une autre femme, avec sont petit garçon tout édenté, vendait des mangues piquées sur un bâtonnet et arrangées en forme de fleur, encore là arrosées de citron, de sel… et de chile, bien sûr. Un homme offrait des tegogoles, petits escargots que l’on pêche dans le lac de Catemaco, servis avec devinez quoi. On n’en a pas voulu (je me méfie depuis mon expérience au Maroc), bien que le vendeur nous ait assuré que ça avait des vertus aphrodisiaques. Mon amoureux n’a pas besoin de ça, j’ai dit en rigolant. Il nous a souri de toutes ses dents en argent et nous a gentiment salués: Que les vayan bien!

Puis une très belle jeune femme du nom d’Elena m’a offert de lire dans les lignes de ma main. Elle ma promis une longue et bonne vie pleine d’amour et de prospérité, m’a conseillé de me méfier de deux personnes, un homme et une femme, qui se disent mes amis mais qui en réalité m’envient mon bonheur (qui que vous soyez, je ne vous en veux pas, c’est vrai que je suis bénie!), et elle m’a dit quoi faire pour enfin cesser de rêver à ma mère, morte depuis 34 ans. Tout ça pour 20 pesos. Si son truc marche, je lui en envoie 100 de mieux!

Voilà. Maintenant, nous rentrons à Veracruz, où mon amoureux prendra l’avion pour Mexico et de là pour Montréal, pendant que j’irai me la couler douce sur la Costa Esmeralda une petite semaine supplémentaire.

Vamos a la playa!

Aujourd’hui, journée à la plage de Monte Pio. Deux heures de transport en pirata, un petit pick-up à cabine double dont la boîte est garnie de deux banquettes, où l’on peut apparemment entasser un nombre infini de personnes (normalement huit dans la boîte et cinq dans la cabine, plus le chauffeur).
Nous avons grimpé à l’arrière, histoire d’avoir plus d’air. Dur pour les fesses mais idéal pour apprécier le paysage de collines herbeuses, d’arbres gigantesques couverts de lianes, de bougainvilliers éclatants, avec la mer qui miroite au loin.
À la plage, une suite de gargotes dont le principal mérite est d’offrir un indispensable abri de palmes proposent toutes plus ou moins la même chose: poisson grillé, crevettes, langoustines, cerveza… Nous avons choisi celle dont les tables étaient le plus près de la mer et où les hamacs paraissaient en bon état. 
Étrange que personne ne connaisse cette région pourtant fabuleusement belle, me disais-je. Mais ça ne durera pas: le chauffeur de la pirata qui nous a ramenés à Catemaco (et qui passait par tous les bleds imaginables en cours de route) nous a expliqué que le gouvernement a le projet de construire une autoroute et de faire de la région un nouveau Cancun. Qué lástima!
Nous avons partagé les banquettes de la camionnette tour à tour avec une famille qui revenait d’acheter du poisson pour le vendre en ville, deux femmes et un homme avec leur récolte de feuilles pour cuire les tamales ainsi que plusieurs travailleurs agricoles, qui tous se sont montrés d’une exquise gentillesse, s’amusant de nos efforts pour parler espagnol, répondant à nos questions, en posant à leur tour…
Des gens simples, travailleurs, adorables.

Périls de la jungle

Nous avons pris hier à midi le bus pour Catemaco. En fait, pour San Andres Tuxtla, d’où nous devions ensuite prendre une pirata (transport local en pick-up) jusqu’à Catemaco. Deux heures de route à travers un spectaculaire paysage de montagnes, de plantations, d’immenses prairies où des bœufs paissaient placidement.
À 12 kilomètres de San Andres, le bus a rendu l’âme: c’était la panne. Le chauffeur nous a annoncé qu’un autre bus allait venir nous prendre ahorita.
Évidemment, Pierre n’a pu s’empêcher d’aller écornifler un peu aux alentours, si bien que, quand le bus est arrivé, en effet quelques minutes plus tard, il était déjà hors de vue. Le temps que je le repère dans la foule des vendeurs ambulants et des écoliers qui sortaient de classe, que nous récupérions notre bagage dans la soute du premier car, le bus en question était parti. Bof, il y en avait un autre juste là devant et, ô surprise, celui-là se rendait jusqu’à Catemaco! Nous sommes donc montés dare-dare, et adelante! Un musicien est monté avec sa guitare et nous a poussé la chansonnette nordeña pendant que le bus bringuebalait sur une route défoncée. Dommage, impossible de prendre une photo, ça secouait trop.
Mais c’était hyper rigolo!
Catemaco n’est pas classé au patrimoine mondial. Ce n’est pas joli, c’est même assez funky, merci. Mais ça nous plaît pourtant infiniment plus que Tlacotalpán, peut-être justement parce que c’est moins léché, mais bien plus vivant.
À Catemaco, il n’y a rien. Rien qu’un lac splendide qui fait 17 km sur 19, des aigrettes neigeuses qui nichent par dizaines dans l’arbre devant notre hôtel, une jungle touffue que nous sommes allés voir ce matin en lancha (barque). Nous avons vu toutes les espèces possibles de hérons, des cormorans en quantité, des grandes aigrettes, des martins pêcheurs et même un crocodile, au moment précis où Gonzalo, notre guide, nous disait qu’il était fort rare qu’on en voie!
Il y a aussi une île où des chercheurs ont implanté une colonie de macaques de Thaïlande. Ils sont particulièrement laids (les singes, pas les chercheurs, quoique je ne les aie pas vus), avec des couilles aussi grosses et rouges que des pommes grenades. Nous ne nous sommes pas attardés, ce n’est pas la partie la plus intéressante de la visite, mettons…
Après cette épuisante excursion dans les profondeurs de la jungle mexicaine, nous avons remis à demain nos projets de jouer à Blue Lagoon. Surtout, ne pas trop se fatiguer. Justement, c’est l’heure de la sainte cerveza, que nous boirons à la santé de nos parents et amis, ces veinards qui échappent aux risques terribles que nous courons.

Voir Tlacotalpán et… euh…

Très joli. C’est un très joli village (environ 8000 habitants). Maisons d’un seul étage peintes de couleurs invraisemblables (on dirait des bonbons!) et couvertes d’antiques tuiles moussues, placettes dallées de marbre, bancs de fer forgé, trois églises très anciennes, très simples et très jolies (moi qui ne cesse de dire que je veux apostasier, c’est fou le nombre d’églises que j’ai visitées depuis que je suis au Mexique!). Je mettrai des photos plus tard parce que cet ordi va me rendre dingue, mais le coup d’oeil est fabuleux, avec la lagune qui traîne ses eaux paresseuses, la langue de terre de l’autre côté… 
Mais, aussi bien le dire, nous n’allons pas nous éterniser ici: en dehors de la fête de la Chandeleur (2 février), où on lâche des taureaux dans les rues et où tout le monde semble virer fou, il ne se passe pas grand-chose ici. Surtout un lundi soir! Nous avons vu l’heur de trouver un resto ouvert pour souper, et pareil pour le petit déjeuner. Nous partons tantôt pour un autre bled encore plus perdu, Catemaco, à deux heures d’ici, d’où nous comptons atteindre une plage où nous recréerons les inoubliables rôles de Brooke Shield et de je ne sais plus qui dans Le Lagon bleu.
M’en vais faire mon bagage.




Veracruz

Samedi soir à Veracruz: muy caliente, je ne vous dis que ça!
Sur le Zòcalo, les musiciens se font la guerre: c’est à qui jouera le plus fort (et parfois le plus mal). Étourdis par tant d’effervescence, nous avons cherché un peu de calme sur une placette en retrait. Or, il y avait là un congrès de médecins, et pour l’occasion un orchestre installé sur une scène extérieure et des bailadores de danzon (une musique d’origine cubaine, mais en plus lent), les messieurs coiffés d’un panama blanc, les dames munies d’un éventail qu’elles agitent nonchalamment à un moment précis de la danse (mais nous n’avons pas vraiment compris lequel).

Nous avons invité une dame qui cherchait un siège à s’asseoir avec nous. Silvia Eugenia, adorable de gentillesse, nous a fait la causette toute la soirée, ne s’interrompant que pour accepter les invitations à danser d’un monsieur très élégant. Ce qu’ils étaient beaux à voir! Toute la place était occupée par les danseurs et par cette musique magique, lente, sensuelle à mort…
«Vous ne dansez pas? a demandé Silvia.
– C’est que, à côté de vous, nous nous sentons comme des éléphants», ai-je répondu en riant.
Je lui ai expliqué que, contrairement aux Veracruzanos, les Québécois qui veulent danser la salsa, le merengue et toutes ces choses, doivent APPRENDRE, suivre des cours, bref: travailler.
Elle n’en revenait pas!
Nous avons quand même risqué quelques pas après la première bouteille de vin, et Silvia a vite compris ce que je voulais dire.
Veracruz est une ville bruyante, décatie, désordonnée, presque affolante, mais l’air y est incroyablement doux (et parfois terriblement puant), les gens sourient, rigolent, il y a des enfants, des vendeurs ambulants et de la musique partout… J’adore!
* * *
Dimanche soir à Veracruz, toujours aussi caliente! À la fin d’un après-midi à la plage non loin de la ville (plage très correcte, contrairement à ce que prétendent nos guides Routard et Michelin), nous avons retrouvé Silvia sur la même placette que la veille. Tout endimanchée, toujours aussi pleine de joie de vivre, elle nous a conseillé un itinéraire pour le reste de la semaine, a abondamment dansé avec un autre monsieur très taciturne (photo), et nous nous sommes fixé rendez-vous dimanche soir, après le départ de Pierre pour Montréal via Mexico.
Après l’avoir quittée, nous nous apprêtions à rentrer à l’hôtel quand nous sommes passés devant un tout petit bar où jouait un groupe de salsa. Quand je dis qu’il y a de la musique partout, c’est qu’il y a VRAIMENT de la musique absolument PARTOUT. On ne pouvait pas rentrer comme ça, quand même! Nous nous sommes résignés à prendre un dernier verre et, la Modelo Oscura aidant, avons esquissé quelques pas de danse sous l’œil amusé des autres clients.

Là, maintenant, cap sur Tlecotalpan, village au bord d’une lagune, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Je sens que je vais craquer!

Puebla

Aujourd’hui, visite de trois églises plus baroques les unes que les autres. Des angelots coiffés de plumes qui descendent en cascades du plafond au plancher, des dorures, des volutes de stuc, des saints à la figure compassée en veux-tu en voilà, des Christs sanguinolents à l’air complètement consterné (j’ai commencé une collection), des Vierges en robe de dentelle et cape de velours, couronnées d’or et d’argent, des symboles païens à travers tout cela… On ne peut que s’émerveiller d’une telle profusion. Les Espagnols avaient de la main-d’œuvre en masse, ils en ont profité. On dit que, à Cholula, Cortes avait juré de construire 365 églises, une pour chaque jour de l’année. Heureusement qu’il s’est arrêté avant, on ne saurait plus où donner de la tête!
 Autrement, Puebla est une ville étrange, à la fois très touristique et extrêmement réservée, et sans doute la plus parisienne des villes mexicaines. Il y a au centre-ville un immeuble de style Eiffel, en acier, avec les boulons et tout, construit par une firme française, et un passage couvert dont la façade s’orne d’une splendide verrière art déco. Les façades des immeubles coloniaux sont couvertes d’azulejos (tuiles de céramique), c’est spectaculaire.

La grand-place bourdonne d’activité, ça grouille de monde, des Mexicains pour la plupart. Nous sommes toujours épatés par la quantité de bébés qu’il y a partout. Les parents les portent dans leurs bras comme un précieux colis (pas de poussettes ici, c’est impossible à manœuvrer!) et, dès que les petits savent marcher, ils trottinent placidement aux côtés de papa ou maman, ou d’un grand frère extraordinairement attentionné. La famille, ici, est une valeur cardinale qui n’est dépassée que par la piété, et encore.
Il paraît que Puebla est l’une des capitales gastronomiques du Mexique. Je ne sais trop qu’en penser. Nous n’avons pas encore eu notre baptême de mole poblano (sauce à base de cacao, d’amandes et d’épices diverses, que l’on sert sur du poulet), mais j’ai tenté avant-hier une expérience avec le pipián (sauce verte à base de graines de citrouille) qui s’est avérée fort décevante.
Heureusement, la soirée a été sauvée par un homme qui s’est amené au resto vers 20h et s’est installé au piano. Nous étions les seuls clients, nous avons noué conversation et fini par passer la soirée en sa compagnie. Il avait dans ses cahiers quantités de vieilles chansons françaises que je me suis fait un plaisir de lui transcrire phonétiquement pour qu’il puisse les chanter dans le texte. Je signale à mes collègues de La Presse que LUI, au moins, a su apprécier mon talent vocal, héhéhé!

En fin de compte, pour revenir à la cuisine, ma préférée est encore celle des rues: les généreuses quesadillas (celles d’aujourd’hui, farcies de fleurs de courgettes et d’un très bon fromage frais, étaient franchement exquises), la guacamole avec la bière de l’apéro, la sopa azteca (un bon potage tomaté garni d’avocat dans lequel, cela va sans dire, baignent des lanières de tortilla frite)…
On mange très bien pour trois fois rien dans ces petites gargotes, j’adore l’odeur des tortillas chaudes et je m’émerveille sans cesse de la quantité de façons qu’on a inventées pour les cuisiner afin qu’on n’ait pas l’impression de bouffer sempiternellement la même chose!

N’empêche, hier, nous avons dépensé l’équivalent de trois nuits d’hôtel (il faut dire que l’hôtel ne nous coûte vraiment, mais vraiment pas cher) dans un restaurant espagnol assez péteux, où nous avons dégusté une côte de bœuf grillée digne d’Obélix. Que voulez-vous, je n’ai aucun penchant pour le végétarisme, il me faut ma tranche de cadavre de temps en temps…

Demain, cap sur Cacaxtla (je n’arrive pas à prononcer ce mot), où il y a paraît-il des fresques préhispaniques admirablement conservées. Pierre y tient beaucoup. Pour ma part, je commence à être un peu saturée des déesses de la fertilité (grandes oreilles, grosses cuisses, bouche en cul de poule), je finis par trouver qu’elles se ressemblent toutes, mais bon. Les fresques de Cacaxtla sont apparemment éblouissantes, nous verrons bien.

Ensuite, direction Veracruz, pays du danzón et de la marimba… et enfin la mer! La Costa Esmeralda, plus précisément. J’espère qu’elle porte bien son nom…