Chez mon frère

Mon frère Charles a un an de moins que moi. Enfants, nous avons beaucoup joué ensemble. Nous avons construit des cabanes dans le bois, ou dans le sous-sol de la maison avec des couvertures et des coussins. L’hiver, nous glissions jusqu’à la noirceur dans la coulée à côté de chez nous: la côte des Mères, la côte des Pères et la côte de la Mort. Nous rentrions morveux et glacés, nos mitaines et nos tuques toutes croûtées de neige, juste à temps pour souper.

Nous avons joué à la famille avec ma soeur Paula, et Charles voulait toujours être un chien, alors qu’il nous fallait un père. Mais nous finissions toujours par consentir à avoir un chien, parce que c’était mieux que si Charles ne jouait pas avec nous.

Charles habite à Hébertville depuis au moins 30 ans avec Hélène, qui est née et a grandi ici.

Hébertville est l’un des plus jolis villages que je connaisse au Québec. Vallonné, rural, traversé par une aimable rivière qui serpente à travers les coteaux, il est pourvu d’une école secondaire, d’une épicerie très correcte, d’une maison pour les jeunes et d’une belle église de pierre qui sonne l’angélus à midi, comme quand j’étais petite.

C’est un lieu vivant. Ça me change des villages dévitalisés de la Gaspésie et de la Côte-Nord, que même les ex-caisses populaires Desjardins ont désertés (ce qui est à mon avis un scandale, mais c’est une autre histoire).

La maison d’Hélène et Charles se dresse sur un promontoire, tout à côté du cimetière. Inutile de dire que  les voisins sont tranquilles. De chez eux, on a vue sur les collines de l’autre côté de la rivière, où paissent des moutons. J’ai toujours aimé les moutons et les vaches. Je pense que je dois ça à mon père, qui, quand j’étais petite, essayait de me distraire du fait que je voulais rendre mon estomac et toutes mes tripes quand nous étions en auto.

«Regarde comme c’est beau, les montagnes! Oh! Des vaches! Oh! Des moutons!»

En tout cas.

Quand je vais chez mon frère, je fais exprès de passer par les rangs et les petites routes, pour voir les champs de blé, de canola ou d’orge entrecoupés de bois de résineux. Et je ne manque pas de m’arrêter à la fromagerie Lehmann pour faire une petite provision de Pikauba, de Valbert et de Kénogami.

Puis j’arrive chez Hélène et Charles. Généralement ça fait deux, trois ou quatre ans depuis la dernière fois, et on s’est parlé au téléphone peut-être deux ou trois fois (dont une pour m’annoncer), et ils m’accueillent toujours comme si c’était hier. Naturels, pas compliqués, gentils, présents.

C’est quand même chouette, la famille…

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