La seule fois où j’étais allée à Huallanca (c’était il y a cent ans), il avait plu comme vache qui pisse, il avait fait froid, je m’en souvenais très bien. En femme prévoyante et avisée, mercredi soir, j’ai vérifié les prévisions météo. Ça disait ceci:
Trois degrés la nuit avec pas de chauffage à l’hôtel, 13 degrés bien humides le jour, je n’ai pris aucun risque et je me suis pourvue de mon manteau de mouton et de chaussettes de laine, avec aussi bonnet, gants, foulard, polar, plus mon chandail de cachemire et l’imperméable Marmot que m’a offert ma soeur il y a 1000 ans.
Il a fait un temps splendide, avec zéro pluie. Froid la nuit, mais jamais autant que ce dont nous menaçaient les interwebs. Leçon apprise, comme on dit dans le langage de la coopération: ne jamais se fier aux prévisions météo. Mais tout prévoir quand même, surtout ici. Finalement, ça revient au même. J’ai tout apporté, et tout m’a servie d’une manière ou d’une autre, ne fût-ce que pour suppléer à ce que mes collègues n’avaient pas.
L’hôtel où Allpa a ses habitudes à Huallanca est dégueulasse, l’un des pires que j’aie vus de ma vie, avec des plaques de commutateurs noires de crasse, toutes les portes marquées de milliers d’empreintes digitales douteuses, des serviettes de couleur foncée de sorte que tu ne puisses pas voir à quel point elles ont été mal lavées, des oreillers qui sont plutôt des coussins bon marché achetés dans un solde de fermeture d’un magasin de meubles cheap et des serrures qui fonctionnent quand elles veulent… Avec ça, le patron a une sale mine de bandit alcoolique pervers, je ne lui confierais même pas mes lacets.
On m’a expliqué que c’était le seul hôtel qui pouvait nous recevoir tous. Nous étions une vingtaine, soit toute l’équipe d’Allpa, mais, la première fois que j’y ai logé, nous étions exactement à peu près trois ou quatre. On m’a aussi dit que c’est parce qu’il y a une cochera (un stationnement). Mais tout le monde laisse sa camioneta dans la rue. En tout cas. L’agent de changement que je suis censée être se câlice franchement du stationnement et ne demande qu’à faire son office de changement, alors je peux vous garantir que je ferai tout ce que je peux pour que plus personne n’ait à subir ça. On n’est pas des chiens, comme disait mon amie Louise.
En tout cas. C’est pas si grave, j’ai dormi pareil, sous un incroyable tas de couvertures qui, si elles ne te réchauffent pas vraiment, t’écrasent comme une tranche de tomate dans un sandwich. La formidable équipe d’Allpa était donc réunie à Huallanca pour un taller de capacitación (atelier de formation) de trois jours. La première journée portait sur les communications, ç’a été mon baptême du feu. On était partis de Caraz à 6h du matin, on est arrivés à Huallanca à 10h, avec une heure de retard sur l’horaire prévu (mais c’était prévisible). Bref, un peu étourdie par les quatre heures de route de montagne et par le changement d’altitude (Caraz est à 2500m, Huallanca à 3500), j’ai fait ma présentation PowerPoint, animé des activités, donné, comme on dit, mon 110%. Heureusement, mon collègue Yony était là pour m’appuyer, sinon je serais morte.
Dire que c’est moi qui devrais l’appuyer!
Je me disais que j’allais les ennuyer, tous ces collègues, avec mes histoires de réseaux sociaux, de rédaction adéquate, blablabla.
Je n’arrive toujours pas à y croire, mais je leur ai fait découvrir un monde.
Et avant ça, moi, en faisant mes recherches pour cet atelier, j’avais découvert le Pérou branché, connecté, avide de nouveauté. Un monde aussi.
Je n’ai jamais pensé que j’allais changer le cours de l’univers en étant coopérante volontaire, encore moins sauver des vies. Mais j’ai toujours cru, et je le crois encore, que je peux faire une toute petite différence qui va s’étendre. Comme chaque fois que je refuse un sac de plastique pour le moindre achat. On me regarde comme si j’étais une drôle de bête, j’explique pourquoi en quelques mots, sans donner de leçon, juste dans la conversation, je dis merci, et je me dis que je viens de semer une petite graine.
Bon, je m’égare.
Il est tard, je n’ai pas raconté le tiers du quart de la moitié de ce que je voulais écrire. La suite demain, si vous voulez bien:
– Le motivateur
– Comment, grâce à ce motivateur, j’ai vécu un épisode d’un roman de Mario Vargas Llosa (Prix Nobel de littérature, et je me flatte de le lire dans le texte)
– Comment tout le monde a pleuré hier à chaudes larmes en expliquant pourquoi et comment ces trois jours avaient été marquants
Bonne nuit amigas y amigos.
La nature ne lit pas les prévisions météo, elle fait à sa tête!
J’aimeJ’aime
En effet. Dans mon Chicoutimi natal, il me suffisait de regarder le ciel et la direction du vent pour prévoir le temps qu’il ferait. Mon père m’avait appris ça, entre autres choses.
J’aimeJ’aime