Une bulle au cerveau

Un joli petit bout de rue, quand même.

C’est probablement ce qui s’est passé quand j’ai réservé mon vol pour Puerto Vallarta.

Une absence momentanée, qui m’a fait croire que je trouverais ici le charme désuet des stations balnéaires démodées, un peu comme ce que j’avais vu je ne sais plus où, peut-être à Wildwood, sur la côte est des États-Unis, il y a longtemps.

J’aime bien les choses un peu décaties, décalées, démodées, où le temps semble avoir pris une pause prolongée.

Je suis certaine que l’endroit a déjà été très joli, magnifique même, avant que les Gringos n’y affluent et ne dénaturent absolument tout.

C’est généralement ce qui arrive quand rien ne régule la cupidité des hommes. Parfois, ça s’arrête et ça se répare un peu.

Mais ici, ça continue de continuer.

Hier, décidée à fuir ce cirque, je suis allée faire un tour à Bucerías, à une demi-heure d’ici en bus local. C’est plus petit et beaucoup plus calme que Puerto Vallarta, même si, bien sûr, c’est envahi de touristes. J’ai passé la journée à la plage, je me suis baignée un peu, et j’ai surtout observé les vendeurs ambulants.

Parmi eux, une minuscule vieille dame édentée et boiteuse, qui vendait une sorte de gâteau aux bananes très dense, qu’elle prépare elle-même. Je lui ai dit « gracias » en souriant, et elle s’est arrêtée un peu. On a fait un petit bout de conversation. Elle habite à San-Vicente, un micro-village perdu dans l’arrière-pays. Elle fait l’aller-retour chaque jour. Je peux vous dire qu’il n’y a rien de facile là-dedans!

« Je devrais y aller », j’ai dit. « Oui, viens, m’a-t-elle répondu. Tu vas voir, c’est autre chose. Il n’y a pas de touristes, là-bas! »

Sinon, tous et toutes proposent la même marchandise — les fameux colibris en perlage, mais aussi des broderies toutes pareilles, des colliers, des bracelets tressés… Quand je leur demande s’ils fabriquent ça eux-mêmes, ils me répondent invariablement que oui.

Mais si on pose la question aux enfants, qui eux aussi vont de table en table pour offrir sensiblement les mêmes choses, on comprend assez vite que tout ça est fabriqué au Chiapas dans des ateliers de misère.

Ils viennent tous de là — parents, enfants, grands-parents. Ils s’exilent vers les zones touristiques dans l’espoir de gagner un peu d’argent et d’échapper à la pauvreté.

Et chez eux, d’autres malheureux sont enchaînés à cette industrie de marde.

Je vous raconte tout ça et je réalise que la vraie bulle au cerveau, ce serait celle qui m’empêcherait de m’approcher ainsi des gens, ne fût-ce qu’un tout petit peu.

En même temps, je me rends bien compte que je fais partie du problème.

Je vous laisserais bien avec des photos de ma promenade dans la Zona romántica de Puerto Vallarta — mon dernier effort pour aimer un peu cette ville — mais elles ont toutes disparu, sauf une. Ne me demandez pas pourquoi ni comment.

Un signe, sans doute.

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