Quand l’avion s’est enfin posé sur le tarmac à Cotonou, tous les passagers n’avaient qu’une hâte après ces sept heures de vol (plus celles que tous avaient passé dans un autre avion en provenance de Dieu sait où, sans parler du temps d’attente entre les deux), tous, donc, n’avaient qu’une hâte: d’en sortir enfin.
Mais le pilote, au bout d’une dizaine (ou d’une vingtaine) de minutes, nous a annoncé qu’une grève paralysait l’aéroport, qu’on essayait de trouver une solution pour nous permettre de débarquer. C’est-à-dire de convaincre quelqu’un, quelque part, de faire en sorte qu’on amène un escalier, des bus, des chariots à bagages… Il y a eu à cette annonce un éclat de rire généralisé parmi les passagers, qui signifiait, en quelque sorte: «Bienvenue au Bénin!»
À part une Française qui est allée engueuler un agent de bord pour ce contretemps dont il n’était absolument pas responsable, chacun a pris son mal en patience, et tout a fini par s’arranger. Les chauffeurs des navettes, les douaniers, les préposés aux bagages, les porteurs, les médecins chargés de vérifier votre vaccination contre la fièvre jaune (on ne rigole pas avec ça, ici), tout le monde était au poste. Une grève? Où ça?
Ça s’était réglé comme par magie. Depuis deux jours que je suis ici, j’ai pu voir que c’est toujours le cas. Et toujours en parlant très bas. À part les marchandes ambulantes, qui, comme en Haïti, font tout un théâtre pour une mangue tombée dans le mauvais panier, les Béninois règlent toutes les affaires à mi-voix (pour la demi-sourde que je suis c’est une torture!). Hilarion, le chauffeur-logisticien chargé de m’aider à m’organiser, aplanit comme ça toutes les tracasseries: deux au trois mots dans le tuyau de l’oreille de qui-de-droit, un regard en coulisse, un sourire entendu, et l’affaire est dans le sac.
Et des tracasseries, il y en a. Rien que pour ouvrir un compte à la banque, il faut remplir neuf formulaires (dont cinq en duplicata, je les ai comptés), où on vous demande le nom de vos père et mère (comme si ça pouvait servir à quelque chose ici!), votre adresse (je n’en ai pas encore, alors je mets celle du coopérant qui m’accueille en attendant: carré 1730, quartier Machin, maison Adolphe Domingo), votre numéro de téléphone (à force de l’écrire, je l’ai appris, il y a ça de positif – notez: 97.14.79.77), votre actif immobilier, re-votre adresse (mais je viens de l’écrire, là!), et signez ici, et signez là, et encore là et là…
Après, la dame chargée de votre cas recopie tout… dans l’ordi!
Je vous passe les méandres administratifs qu’il m’a fallu traverser pour pouvoir enfin toucher mon premier chèque, mais je vous cite de mémoire le début du formulaire de demande d’ouverture de compte:
«Monsieur le Directeur de la Banque d’Afrique,
J’ai l’honneur de demander à votre très haute sollicitude de bien vouloir me permettre d’ouvrir un compte à la banque………»
(Votre très haute sollicitude!!!)
En tout cas.
Je n’ai fait hier et aujourd’hui que des allers-retours en jeep dans des rues complètement défoncées (excellent pour les abdos, mais soutien-gorge impératif), et je n’ai pas fini.
Les gens sont adorables, les costumes traditionnels absolument magnifiques, mes collègues tout à fait sympathiques. Il fait chaud mais pas trop, il y a des fruits et des légumes en abondance, et le soir, quand la ville se calme, j’entends les vagues se briser sur la plage (immense) à un petit kilomètre d’ici.
Bienvenue au Bénin.