Voilà, c’est fini. Nous n’avons même pas eu le temps de visiter Niamey – il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose à visiter, hormis le musée national, qui recèle paraît-il quelques collections intéressantes, et le centre d’artisanat, où nous sommes allés hier.
En outre, pour des raisons de sécurité, Oxfam déconseille fortement à ses coopérants étrangers de se déplacer en ville à la nuit tombée. Là, j’avoue que nous avons quand même un peu désobéi, notamment hier soir: nous avons hélé un chauffeur de taxi dans la rue en sortant du village d’artisanat, et nous lui avons demandé de nous emmener dans un maquis, n’importe lequel, bon et pas cher. On a pris là notre meilleur repas «depuis depuis» (pâte maïs, sauce arachides, brochettes de langue et de filet de boeuf), qui nous a coûté la faramineuse somme de 2400 FCFA (4,50$), bières incluses.
Mis à part cela et une ou deux autres missions de ravitaillement, le Niamey nocturne restera donc pour nous une énigme – d’autant plus que, à cause du ramadan, la plupart des bars, restos et maquis tournent au ralenti (quand ils ouvrent). Pour ce qui est du Niamey diurne, nous avons (évidemment) visité le grand marché, mais franchement, la chaleur et le travail à abattre nous ont plutôt poussés à nous replier sous la paillote de l’hôtel, où nous avons l’électricité, le wi-fi, une petite brise qui agite manguiers, ficus et autres magnolias ainsi que des paons qui nous visitent de temps en temps et nous honorent parfois d’une roue bien orgueilleuse.
À la fin du jour, quand le muezzin lance l’appel à la prière d’Asr (vers 18h15), nous fermons tout: c’est l’heure de la sainte bière au bord de la piscine, dont l’eau, exposée tout le jour à un soleil ardent, est plus chaude que celle de mon bain en plein hiver. C’est donc dire que le seul rafraîchissement qu’elle procure, c’est quand on en sort. Mais bon. La bière locale, la Niger, fait son office honnêtement. D’ailleurs, c’est assez drôle, elle a un surnom, qui est même plus utilisé que son nom: commandez deux Niger, le garçon vous fera répéter. Demandez-lui deux Conjonctures, il ne cillera pas le moins du monde. L’explication, telle que la donne Wikipédia: «Au Niger, lorsque la conjoncture économique de 1986 pousse à la dévaluation du franc CFA, la brasserie Braniger réduit le volume de sa bière de 75 cl à 43 cl pour conserver son prix, et répond aux clients se demandant pourquoi la bouteille de bière est plus petite: « C’est la conjoncture ! » Le terme est depuis utilisé pour désigner la bière même.»
Pour en revenir à Niamey, c’est une drôle de ville, toute désordonnée, pas jolie du tout sauf près du fleuve, dont les rives de sable ocre accueillent une vie qui ne s’arrête jamais: laveurs de linge (oui, surtout des hommes, c’est leur métier), troupeaux et bergers, enfants qui jouent, cueilleurs, jardiniers, pêcheurs et, à la nuit tombée, concert de grenouilles.
Il nous reste à assembler les tonnes d’images que nous avons recueillies pour laisser quelque chose à montrer au villageois en attendant le documentaire définitif, à faire nos valises, changer nos francs CFA et nous réveiller en pleine nuit pour aller somnoler au trépidant aéroport de Niamey dans l’attente de notre vol, qui décolle à 5h30. Non, c’est pas humain.