Hier, avant de partir, nous sommes allés visiter la Cité interdite. Cauchemar touristique. Des nuées de Chinois s’y pressent et s’y bousculent, on est si occupé à manoeuvrer dans ces foules dont nous n’avons pas l’habitude qu’on ne peut rien apprécier. Moralité: si tout le monde dit qu’il faut y aller, n’y allez pas. Mes plus grandes déceptions, en voyage, sont toujours venues de ces lieux supposément incontournables: j’ai préféré Pérouse à Florence, une ville-musée où plus personne ne vit et où l’on mange mal et cher. L’Alhambra de Grenade m’a laissée de glace, mais j’ai été émerveillée par la cathédrale-mosquée de Cordoue. Au Guatemala, j’ai aimé mieux Coban qu’Antigua. Je ne suis jamais montée dans la tour Eiffel, mais j’ai traversé Paris à pied dans tous les sens. La Cité interdite, on l’a vue en photos et au cinéma, c’est bien suffisant. J’ai préfé le temple des Lamas, plus calme, plus petit, tout aussi beau.
Refaire ce voyage en Chine, je n’irais pas à Shanghai, une ville prétentieuse et chère qui n’a pas grand-chose à offrir à part ces gratte-ciel tape-à-l’oeil et un air irrespirable, à laquelle le Routard consacre pourtant un très long chapitre. Je passerais plus de temps à Pékin et je miserais sur Couchsurfing pour l’hébergement ou au moins pour rencontrer des gens du cru. Et puis je m’arrangerais pour apprendre un peu plus de mandarin — ce n’est pas aussi difficile qu’on le croit, en tout cas pas si on se limite à l’oral, et ça fait tellement rigoler les gens!
Parlant du Routard, notre divorce était imminent, voilà qu’il est consommé. Les meilleures auberges, nous les avons trouvés-mêmes avec l’aide du web. Les restos, tu marches un peu, tu entres dans celui qui te semble sympa, de toute façon c’est bon presque partout. Bien sûr, il y a eu quelques moins bonnes expériences — surtout à Shanghai, d’ailleurs. Mais franchement, tous ces a priori, ces idées préconçues, ces jugements de valeur… Ça m’éneeeeerve!
Les guides de voyage ne vous diront pas à quel point les Chinois peuvent être gentils, serviables, affables. Ils ne disent pas à quel point ils aiment leurs enfants et leurs vieux, qui sont toujours ensemble, d’ailleurs, ceux-ci s’occupant de ceux-là pendant que les parents triment du matin au soir. À la sortie des classes, ils se massent devant les écoles, où ils attendent leur unique petit-enfant pour le ramener à la maison, à vélo ou à pied, en devisant doucement. Ces enfants aux cheveux de soie, calmes, souriants, épanouis, comme ils sont beaux et sages! Jamais de crise, jamais de larmes, jamais un mot plus haut que l’autre. Et ces vieux qui jouent aux cartes sur les trottoirs, qui font du tai chi dans les jardins publics, qui marchent en se tapant vigoureusement les avant-bras (massage chinois), ils m’impressionnent.
Et puis les parents, qui travaillent, travaillent, travaillent, comme ils ont l’air fatigués, le soir, dans le métro! On les voit somnoler ou fixer un point dans le vide, chargés de paquets ou parfois d’un enfant, lui-même épuisé par un long jour de garderie…
La Chine trime dur, mes amis. La Chine change vite. La Chine est jeune, fume comme un pompier, consomme fénétiquement, voyage beaucoup. Les vieux crachent toujours par terre après un raclement de gorge aussi sonore qu’écoeurant, mais ce temps-là achève. Le sol des gares brille comme un miroir, les trains sont à l’heure, le métro roule. La Chine est propre, organisée, éduquée et bien élevée, et si, quand nous étions petits, nous «achetions» des petits Chinois pour leur venir en aide, ce sera bientôt eux qui nous achèteront. Et ils paieront comptant.