J’essaie de déchiffrer les panneaux de signalisation, les affiches, les publicités, les avis. Avec un succès limité, pour dire le moins. Le v minuscule se prononce n, mais la majuscule est bien un N. Le son «L» se traduit par un V à l’envers en majuscule, mais par un y en minuscule. Le son «r» s’écrit «p», et le son «p» est rendu par le symbole de pi. Bref, j’y perds mon latin, qui était ma seule bouée ailleurs. Je comprends comment peuvent se sentir les gens qui n’ont pas appris à lire. J’arrive parfois à décrypter (mot d’origine grecque) une phrase et à en déduire le sens, je dis bien déduire. Je crois que la langue m’obsède autant que la nourriture. Toujours un truc de bouche, en fin de compte.
Hier, nous avons visité le musé Benaki, une fabuleuse collection privée d’objets qui racontent toute l’histoire artistique et plastique de la Grèce (autant dire celle de notre civilisation) sur environ 6000 ans. J’ai vu des similitudes troublantes avec les objets des Premières Nations de chez nous. Nous n’avons pu voir qu’une toute petite partie du musée parce que nous ne pouvons nous empêcher de regarder un à un tous ces petits objets du quotidien, façonnés de la même manière, sur tous les continents, à la même époque, par des êtres qui ignoraient absolument tout de l’existence des uns et des autres. Ça nous fascine. Et ça fait qu’on n’a pas pu voir les trois autres étages du musée! Bon, on a quand même vu la moitié d’un autre, sur les costumes traditionsnels, parce que ça aussi, ça me fascine: les tissages, les broderies, les bijoux… même si j’étais morte de fatigue, saturée d’information, bourrée d’images, je n’ai pu que me rendre, c’était trop beau.
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Aujoud’hui, c’était dimanche, jour de congé pour (presque) tous les Athéniens. Tous ceux qui le peuvent s’en vont à la mer ou à la montagne. Avec Constantina (qu’on appelle Nina), nous sommes allés à la mer, juste tâter l’eau, essayer de s’asseoir dehors pour prendre un café. C’était dans un immense bar qui s’appelle House Project, conçu comme une maison, avec une salle de jeux pour les enfants, une salle télé, une bibliothèque, un salon avec de grands canapés, un bar, des lits de plage, bref, un super concept. On n’est qu’en avril, ce n’est pas l’été, nous sommes vite rentrés à l’intérieur parce que le vent de la mer était trop froid. Mais c’était déjà la cohue. Imagine en juillet! On n’a pas idée, parfois, de la chance que nous avons en Amérique: tout cet espace… encore là, je comprends pourquoi les Européens fantasment tellement sur ça. Il faut en sortir pour le comprendre.
Demain, départ pour Delphes, où nous inspecterons encore des ruines, évidemment. Ça, c’est un truc qu’on n’a pas chez nous… et dont les Européens, vraisemblablement, ne mesurent pas toute la richesse. On est toujours le riche (ou le pauvre) d’un autre.
Posez-moi vos questions, je les transmettrai à la Pythie.