Je l’ai connu au cégep de Chicoutimi, où j’étudiais en lettres et où, avec quelques mauvais compagnons, il faisait des folies inimaginables et pas racontables (sauf par lui, et alors c’est toujours à mourir de rire). Je dis «connu», mais nous n’étions pas amis. Je l’ai connu comme tout le monde connaissait William, qui passait difficilement inaperçu avec ses longs cheveux roux frisés et les coups pendables qu’il commettait, de préférence devant public.
Nous nous sommes retrouvés par hasard, par un soir pluvieux d’avril, dans un bar de Montréal. Quand j’ai vu entrer ce monsieur chauve à barbichette blanche au Verre bouteille, j’ai surtout remarqué son compagnon, une sorte de géant avec une grosse tête patibulaire qui aurait pu lui faire décrocher un rôle dans un film d’horreur de série B.
Le bar, à cette heure tardive, était presque vide. Je sentais sur moi le regard de ce monsieur à barbichette, qui a fini par s’approcher et me demander poliment: «Pardon, madame, mais est-ce que par hasard vous venez de Chicoutimi?
– Heu… oui?
– Étiez-vous au cégep dans les années 76, 78?
– Heu… oui?, ai-je répondu, de plus en plus interloquée.
– Fabienne?
– Heu… oui? (Cette fois complètement mystifiée.)
– je suis William.
Je suis tombée sur le cul. WILLIAM! Je n’ai jamais compris pourquoi et comment il m’avait reconnue, ni pourquoi il se souvenait de moi. Mais nous sommes restés amis, et voici que je suis chez lui, et que ses amis viennent nous visiter, juste parce que je suis là.
William est ce genre d’ami irremplaçable, qui me dit que je peux rester tant que je veux mais que, disons à Noël, il va peut-être se tanner.
Bonne chance.