Je la contemple inlassablement, j’observe ses couleurs changeantes – blanche ce matin, indigo ce soir, violette hier – je guette un éventuel souffle de baleine à l’horizon (sans succès jusqu’ici, mais ça viendra, m’assure William). Depuis jeudi, trois eiders à duvet et leur couvée se laissaient ballotter par les vagues juste devant la maison. Aujourd’hui, ils sont invisibles, j’interroge la mer sur leur disparition. Un chapelet de fous de bassan passe au ras des flots, un goéland marin fait l’important sur un rocher, deux becs-scies arpentent la rive couverte de varech. Un cormoran fait comiquement séher ses ailes au soleil. On a même eu la visite d’un couple de huards, qui s’interpellaient mélancoliquement tout près de la berge.
Aujourd’hui, je n’ai rien fait d’autre que lire et lever les yeux de temps à autre pour observer cette vie discrète. L’eau, en ce moment même, est en train de prendre une teinte turquoise dans la lumière dorée du soleil déclinant. Il fait frais, nous rentrerons bientôt pour bricoler un souper. On mange du homard tous les jours. Riz au homard, omelette au homard, pâtes au homard. Non, on ne se lasse pas (pas encore). William en a plein son congélateur, des bêtes énormes que lui ont données ses amis pêcheurs. Contre toutes les lois de la congélation raisonnée, il les a sommairement emballées dans un vieux sac de pain. «C’est pas comme s’ils allaient rester là ben longtemps», argue-t-il quand je m’en étonne.
Vu de même…