Natashquan

Depuis des années, ce seul nom me fait rêver. Parce que c’est le pays de Gilles Vigneault, bien sûr. Et aussi parce que, jusqu’en 2013, c’était le bout de la route 138, dite le Chemin du roi. Depuis, la 138 se rend à Kegaska, 40 km plus loin. On dit qu’elle sera encore prolongée jusqu’à La Romaine. Mais pour moi, et plus encore maintenant que je m’y suis enfin rendue, Natashquan reste la fin du chemin.

Dans ce tout petit village (263 habitants en 2016), les gens sourient spontanément aux étrangers. Ils ont l’accent des Madelinots puisque les premiers Blancs à s’établir ici, au milieu du XIXe siècle, venaient des Îles-de-la-Madeleine, où ils se faisaient exploiter par la famille Robin. Des Landry, des Lapierre, des Vigneault, des Cormier, des Chiasson sont donc venus voisiner les Innus, qui occupaient le territoire depuis des millénaires (et, accessoirement, continuer de se faire exploiter par les Robin).

Je ne saurais dire comment se vit cette cohabitation. Je sais que la «réserve» (je hais ce terme), Nutashkuan, se trouve à quelques kilomètres, c’est tout.

Je finirai bien par faire ma petite enquête.

* * *

Je ne cesse de m’émerveiller de la beauté de ce pays. Le long de la route, entre Havre-Saint-Pierre et Natashquan, le paysage prend des airs de toundra — arbres nains, mousse, lichen, crans rocheux d’un joli rose… Il se change parfois en tourbières où prolifèrent de minuscules fleurs semblables à du coton dont j’ai encore oublié le nom. On traverse aussi une forêt d’épinettes qui a brûlé il y a peu, où les squelettes gris des arbres pointent leurs cimes désolées vers ce ciel qui semble plus infini et plus bleu qu’ailleurs. C’est à la fois cauchemardesque et magnifique.

Les villages égrènent paisiblement leurs petites maisons carrées au bord d’anses charmantes, désertes… on dirait que le temps ne passe pas par ici, ou alors qu’il s’est arrêté carrément. On voudrait, comme lui, s’arrêter partout, on se dit qu’on le fera au retour, puisqu’on ne sera pas du tout pressé de rentrer.

* * *

Je suis installée devant la mer, sur la terrasse de L’Échouerie, un joli café-bistro qui fait aussi salle de spectacle. Le menu se résume à peu de chose (pizzas, nachos, ailes de poulet) pour la simple raison qu’on n’arrive pas à trouver suffisamment de personnel pour faire mieux. Qui l’eût cru? Dans ma jeunesse, les régions se mouraient pour cause de chômage. Aujourd’hui, elles se meurent parce qu’elles manquent de main-d’oeuvre. C’est bien triste.

La Côte-Nord me semble cruellement négligée par les touristes, qui se ruent apparemment tous en Gaspésie ou aux Îles-de-la-Madeleine, par les temps qui courent. Pourtant, mon Dieu, toute cette beauté sauvage, inviolée, pratiquement épargnée par les bungalows, les centres commerciaux, les boutiques de souvenirs et… Euh, en fait, c’est justement pour ça que c’est si beau, si doux, si calme.

Venez tandis qu’il en est encore temps.

La mer, à Natashquan, n’est pas plus froide qu’à Ogunquit, et bien moins que n’importe où en Gaspésie. Vrai, il y a ce vent du large qui vous rafraîchit tant qu’il vous ôte le goût de vous saucer, mais une fois dans l’eau, si on aime se baigner, on peut en profiter tout à loisir.

Le camping municipal mérite un prix de propreté, et un autre pour la gentillesse du personnel, et encore un pour ses tarifs, et un surtout pour l’emplacement numéro 38, que nous occupons jusque sur les dunes qui l’entourent, du haut desquelles on peut observer le coucher du soleil sur la mer.

Voilà. Je viens de terminer ma deuxième bière, je retourne à mes amis Anne-Marie et Sylvain, sans lesquels je n’aurais sans doute pas entrepris ce voyage.

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