La vie quotidienne étant ce qu’elle est (moto-boulot-dodo), j’ai de moins en moins de choses à raconter.
Non, en fait, c’est aussi que, le soir venu, je suis généralement exténuée. Peu importe à quoi j’ai occupé ma journée – lézarder sur la plage, me faire secouer en Jeep dans des chemins à la limite du praticable, parcourir des champs de manioc avec des agriculteurs ou me creuser le cerveau pour en extraire quelque chose d’intelligent à écrire –, je rentre à la maison à moitié morte.
Après trois mois ici, je ne manque pourtant pas de sujets d’émerveillement. Prenez les habits traditionnels, par exemple. Je passe tous les matins et tous les soirs par le même chemin. Une fois qu’on s’est habitué aux cahots, aux mares de boue, à la folie des carrefours, aux foules, au bruit, aux odeurs d’échappement et à la poussière, il reste à observer les costumes des gens.
Je ne m’en lasse pas. Jusqu’ici, j’ai peut-être vu trois ou quatre fois les mêmes imprimés, mais jamais dans les mêmes couleurs. Et c’est à se demander ce que fument ceux qui inventent ces motifs.
Il y a de grands classiques, comme celui de la poule avec oeufs et poussins, hommage à la famille. Les fleuris, toujours jolis. J’en ai un dont le nom en mina, makaiva, signifie «Qui est là?». C’est ce que m’a dit Pélagie, qui a le même en vert et mauve. Le mien est bleu; je me suis fait faire dedans une robe au look vintage qui a gagné l’approbation de Pélagie.
Il y a aussi les motifs plus traditionnels, inspirés des batiks javanais, dans des teintes indigo et sang-de-boeuf. Les abstraits à motifs géométriques, dont les couleurs ont été choisies, dirait-on, par un daltonien en phase terminale. Ainsi en est-il de notre premier costume de funérailles, mais aussi du second (car oui, nous avons de nouveau assisté à des funérailles, une fête grandiose où ont dû se côtoyer, au plus fort de la mêlée, un bon millier de personnes). Il est bordeaux et jaune avec des accents lilas, dans un motif bizarre qui ressemble à une bouche. Je me suis fait tailler là-dedans une robe-ballon du plus bel effet. Pierre s’est fait faire une chemise traditionnelle sans col, on dirait une blouse d’hôpital. À ne pas essayer dans un hôpital psychiatrique.
Oui, oui, je mettrai des photos.
J’ai vu des pagnes à motifs de ventilateur de table (!), d’autres semés d’ordinateurs portables et de CD, ou encore imprimés de crevettes toutes antennes dehors, d’ampoules électriques, de radios transistor, de petits chevaux, de portraits du président Yayi Boni (ou Boni Yayi?), d’images de la Vierge ou du Sacré-Coeur. J’ai même vu vendredi, à une cérémonie, des membres du club Lions de Cotonou vêtus d’un costume parsemé de logos de leur organisation.
Il y a des pagnes si jolis que, pour un peu, j’arrêterais sa propriétaire pour lui demander où elle l’a pris. Quand j’entre dans une boutique, je perds l’esprit, je ne sais plus où regarder et, croyez-le ou non, je finis par ne rien acheter.
J’ai encore trois mois pour me reprendre.
Pour en savoir plus sur le pagne africain:
http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=3116