Marchez dans la rue, n’importe quelle rue, seul ou accompagné. Si vous êtes blanc, inévitablement, vous entendrez un enfant crier: «Yovo! Yovo!»
Yovo, c’est vous: «Le Blanc!» L’enfant qui vous interpelle agite joyeusement la main, tout content qu’il est de vous avoir repéré (!). Sa maman le tirera par le bras, l’air de dire: «Voyons, ça ne se fait pas!»
S’il sont plusieurs gamins, comme ça m’est arrivé à la plage samedi, ils vous suivront bientôt en procession dans l’espoir de vous soutirer quelques sous, des bonbons, que sais-je. J’en ai bientôt eu une douzaine comme ça à ma suite. «Yovo! Yovo!
– Je ne m’appelle pas Yovo. Mon nom, c’est Fabienne, j’ai dit en rigolant. Et vous? Vous ne vous appelez pas «Noir», n’est-ce pas?
– Donne-nous de l’argent.
– Mais non, je ne vous donnerai pas d’argent, voyons!»
Ils se pressaient autour de moi, les plus vieux avides, les plus petits curieux, fascinés par mon appareil photo, morts de rire quand ils se reconnaissaient les uns les autres sur l’écran. Ils ont fini par me dire leur nom, leur âge, par demander encore des photos.
À la fin, j’ai dû leur dire d’aller jouer. Ils sont partis un peu hésitants, en regardant parfois par-dessus leur épaule, dans l’espoir que je me ravise, peut-être, et que je leur fasse l’aumône de quelques pièces pour lesquelles ils se seraient battus.
Ça me tue.