Dans ma rue

Dans ma rue, il y a la marchande de pain qui passe tous les matins, son lourd panier sur la tête, et qui lance à intervalles réguliers son long cri fatigué: «Pain chauuuuud!»

Il y a, le dimanche soir, d’énormes camions chargés de grands sacs de charbon de bois, qui viennent stationner dans ma rue parce que c’est la plus large du quartier. Leurs chauffeurs s’étendent dessous pour y passer la nuit, sur une natte posée à même le sable, en attendant d’écouler la marchandise.

Il y a notre voisin le colonel, qui fait ce qui semble une sieste continuelle sous le manguier chargé de mangues, dans un lit de camp à motif camouflage.

Il y a Mirabelle, la fille de Pélagie, qui accourt et se jette dans nos bras dès qu’elle nous aperçoit, quand nous descendons de moto au retour du travail. Mirabelle a 12 ans, peut-être 13. Elle ne parle que très peu et répond «Oui» à toutes les questions qu’on lui pose.

Il y a parfois Mémé qui prend le frais devant sa porte, assise sur un tronc d’arbre renversé, les mains dans son giron. Je ne manque jamais de m’informer de sa santé, et chaque fois elle remercie Dieu qu’elle soit bonne.

Il y a le minuscule atelier de couture où Philomène, toujours vêtue de tenues à falbalas, règne sur une nuée de petites apprenties en uniforme bleu qui toutes me saluent de la main chaque fois que je passe.

Il y a les cris, les rires et les conversations des clients de l’estaminet d’en face. Je m’en réjouis pour Janine, la propriétaire: ce soir, les affaires sont bonnes.

Il y a des chèvres, des enfants qui courent, des poules, des motos.

Il y a du bruit, du sable, de la poussière.

Il y a surtout de la vie.