Les zemidjan, ce sont les motos-taxis de Cotonou. Ils sont des milliers à sillonner les rues de la ville du matin au soir, dans la poussière, le bruit et l’oxyde de carbone. On les reconnaît à leur chemise jaune réglementaire, dans le dos de laquelle sont imprimés en bleu indigo un numéro de permis et le logo de la mairie. Parfois, la chemise est si usée qu’on ne distingue plus qu’un fantôme d’inscription. Elle a été rapiécée, reprisée, ravaudée de toutes les façons possibles.
Postés en petits groupes au coin d’une rue, lunettes de soleil sur le nez, coiffés d’une casquette (très peu portent un casque), les zem vous interpellent pour vous offrir leurs services, ou alors vous les hélez au besoin. Vous négociez le prix, qui varie selon la distance, la bonne volonté du conducteur et… la couleur de votre peau (c’est toujours plus cher pour un yovo) : la même course peut coûter de 200 à 800 francs. Mais bon, comment leur en vouloir? L’un d’eux m’a dit aujourd’hui que, dans une bonne journée, il peut faire 4000 francs CFA, soit 8$.
Vous vous êtes donc entendus sur le prix. Vous grimpez sur la machine, et vroum! Vous voilà à zigzaguer entre les nids-de-poule (et parfois les poules elles-mêmes), les chèvres, les enfants, les mares laissées par la dernière pluie, les voitures et, évidemment, les autres motos, zemidjan ou non. La motocylette est le moyen de transport universel, ici.
Évidemment, outre tout ce qui peut (et ne peut pas) se transporter à moto, on voit aussi le tableau familial typique : papa aux commandes, un enfant assis devant lui, maman derrière, un autre enfant à califourchon contre elle. Ici, en Afrique, s’ajoute le bébé arrimé dans le dos de la mère. Cela me fait frissonner chaque fois.
Aux carrefours, motos, voitures et piétons s’entrecroisent sans heurts apparents, selon un code tacite que seul un Cotonois peut décrypter. D’après ce que j’ai compris, le contact visuel est la clé de tout.
Pour ma part, j’ai cessé de m’en faire pendant mon séjour en Haïti (merci Grégory!). Sur la route, j’essaie de reconstituer mentalement la géographie de la ville dans l’espoir de pouvoir un jour m’y retrouver. J’admire l’élégance des femmes, la beauté de leur costume, leur port impérial; je m’amuse des raisons sociales («Coiffure Belle Face», Moments de femme, prêt-à-porter»), je m’émerveille de tous ces petits métiers, ces petits commerces pratiqués en pleine rue avec trois fois rien.
En principe, dès cette semaine, j’aurai mon zemidjan à moi, grâce aux bons soins d’un jeune ami béninois. Il viendra me chercher matin et soir et je le paierai à la fin de la semaine selon le tarif convenu. Vous devriez me voir avec mon casque rose, j’ai l’air d’un hybride entre une gomme balloune et la Fourmi atomique.