Chaque matin et chaque soir, je coiffe mon casque rose et je hèle un zemidjan, ces motos-taxis qui grouillent dans les rues de Cotonou. Je vous emmène? Accrochez-vous, c’est par ici: http://www.youtube.com/watch?v=hQuI545g1dk&feature=youtu.be
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Négoce
Hier, virée au Centre de promotion de l’artisanat de Cotonou, à l’autre bout de la ville. Comme dans tous les endroits du genre, on y trouve des boutiques qui vendent à peu près toutes la même chose (ici, masques anciens ou récents, statuettes d’ébène aux lignes fluides, bijoux de corne de buffle ou de coquillages, batiks et peintures naïves).
Il a d’abord fallu âprement négocier le prix de la course en zem : on vous le fait toujours le double du tarif «normal». Parfois, un quidam se mêle de la discussion, réprimande le zem pour sa cupidité et le convainc de nous faire un prix raisonnable. Sinon, après quelques feintes, roulement d’yeux et claquements de langue, le type finira par consentir à nous emmener pour 400 francs au lieu de 800. On se sent toujours un peu ridicule d’argumenter comme ça pour des sommes aussi dérisoires : 400F CFA, ça équivaut à 0,80$. Ne négociez pas, le zem aura un sourire narquois qui dit : cet idiot de yovo s’est encore fait avoir. Négociez, et vous vous sentez comme un exploiteur qui abuse de la faiblesse des petits travailleurs.
Au centre d’artisanat, pareil.
Faites seulement mine de ralentir devant une échoppe, on vous presse d’entrer, d’essayer ce bracelet, d’admirer ce tissage; on tire d’un panier où elles sont soigneusement rangées d’admirables figurines de bronze. Manifestez de l’intérêt pour tel ou tel objet, les négociations commenceront alors: «C’est 25 000 francs, madame (50$).
– (Les yeux au ciel) Mais non, c’est bien trop, voyons.
– Combien voulez-vous payer?
– Six mille (ça me gêne toujours, mais c’est la règle: on divise par quatre le prix initial).
– (L’air consterné) Mais madame! Soyez sérieuse. Regardez comme c’est joli!
– Oui, bien joli. Mais je ne paierai pas plus de 6000 francs.
– Pour vous, madame, je le laisse à 20 000.
– Pas question. J’ai dit 6000, mais je veux bien faire une effort. Je t’en donne 8000.»
Invariablement, on finit par s’entendre sur la moitié du prix lancé au départ. C’est ainsi que j’ai fait l’acquisition, hier, d’un très beau masque ancien, d’un bracelet de corne et de deux cadres d’ébène. J’ai résisté à la tentation d’une splendide figurine de bronze qui représentait une femme en train de poser une jarre sur sa tête, d’une petite girafe en pierre de talc et d’un très beau batik. (Mais je ne jure de rien pour la prochaine fois.)
Sur le chemin du retour, je me suis arrêtée à un tout petit étal de rue pour regarder des pagnes (on appelle toujours «pagne» la pièce de 6 verges de coton dans laquelle on coupe les habits traditionnels, même s’ils n’ont bien souvent plus rien du pagne). Deux petites filles gardaient l’étal de leur maman : Sarah et Mouniya. J’ai tâté un peu les tissus, en ai regardé un plus attentivement que les autres et ai fini par ne pas me décider.
Nous nous sommes arrêtés plusieurs mètres plus loin dans un petit bar pour sacrifier au rite de la sainte bière. Tout à coup, les deux fillettes se sont matérialisées près de nous, un sourire timide aux lèvres, et à la main le pagne bleu que j’avais regardé. La journée de vente était terminée, elles tentaient leur chance une dernière fois. Comment résister ?
Zemidjan
Les zemidjan, ce sont les motos-taxis de Cotonou. Ils sont des milliers à sillonner les rues de la ville du matin au soir, dans la poussière, le bruit et l’oxyde de carbone. On les reconnaît à leur chemise jaune réglementaire, dans le dos de laquelle sont imprimés en bleu indigo un numéro de permis et le logo de la mairie. Parfois, la chemise est si usée qu’on ne distingue plus qu’un fantôme d’inscription. Elle a été rapiécée, reprisée, ravaudée de toutes les façons possibles.
Postés en petits groupes au coin d’une rue, lunettes de soleil sur le nez, coiffés d’une casquette (très peu portent un casque), les zem vous interpellent pour vous offrir leurs services, ou alors vous les hélez au besoin. Vous négociez le prix, qui varie selon la distance, la bonne volonté du conducteur et… la couleur de votre peau (c’est toujours plus cher pour un yovo) : la même course peut coûter de 200 à 800 francs. Mais bon, comment leur en vouloir? L’un d’eux m’a dit aujourd’hui que, dans une bonne journée, il peut faire 4000 francs CFA, soit 8$.
Vous vous êtes donc entendus sur le prix. Vous grimpez sur la machine, et vroum! Vous voilà à zigzaguer entre les nids-de-poule (et parfois les poules elles-mêmes), les chèvres, les enfants, les mares laissées par la dernière pluie, les voitures et, évidemment, les autres motos, zemidjan ou non. La motocylette est le moyen de transport universel, ici.
Évidemment, outre tout ce qui peut (et ne peut pas) se transporter à moto, on voit aussi le tableau familial typique : papa aux commandes, un enfant assis devant lui, maman derrière, un autre enfant à califourchon contre elle. Ici, en Afrique, s’ajoute le bébé arrimé dans le dos de la mère. Cela me fait frissonner chaque fois.
Aux carrefours, motos, voitures et piétons s’entrecroisent sans heurts apparents, selon un code tacite que seul un Cotonois peut décrypter. D’après ce que j’ai compris, le contact visuel est la clé de tout.
Pour ma part, j’ai cessé de m’en faire pendant mon séjour en Haïti (merci Grégory!). Sur la route, j’essaie de reconstituer mentalement la géographie de la ville dans l’espoir de pouvoir un jour m’y retrouver. J’admire l’élégance des femmes, la beauté de leur costume, leur port impérial; je m’amuse des raisons sociales («Coiffure Belle Face», Moments de femme, prêt-à-porter»), je m’émerveille de tous ces petits métiers, ces petits commerces pratiqués en pleine rue avec trois fois rien.
En principe, dès cette semaine, j’aurai mon zemidjan à moi, grâce aux bons soins d’un jeune ami béninois. Il viendra me chercher matin et soir et je le paierai à la fin de la semaine selon le tarif convenu. Vous devriez me voir avec mon casque rose, j’ai l’air d’un hybride entre une gomme balloune et la Fourmi atomique.
De choses et d’autres
Paillant
Tout est relatif, surtout ici
Hier, nous avons quitté notre palace orphelin pour nous rendre au rectorat de l’Université. Nous avons descendu à pied les chemins de terre et de cailloux qui mènent à ces maisons absurdement cossues jusqu’à un carrefour où l’on peut prendre un tap-tap ou une moto-taxi. Un tap-tap, c’est une camionnette dans la boîte de laquelle on a installé deux banquettes de bois, où l’on s’entasse tant qu’on peut. Quand on veut descendre, on frappe comme un sourd sur la paroi du camion pour avertir le chauffeur, qui s’arrête dans quelques hoquets et un nuage de fumée sous les klaxons de ses innombrables concurrents.
Attention, en descendant, à ne pas vous faire faucher par une moto. Glissez à l’auxiliaire du chauffeur quelques gourdes (1$ = 40 gourdes, le passage coûte environ 20 gourdes pour deux). Regardez où vous mettez les pieds. Souriez aux vendeuses ambulantes qui vous regardent avec curiosité. Réfugiez-vous sur ce qu’il reste d’un bout de trottoir. Ça y est, vous êtes sain et sauf.
Il faut maintenant marcher jusqu’à un bus. Essayez de choisir le moins déglingué. Dans tous les cas, il y a 20 cm d’espace entre les deux rangées de banquettes, on s’y faufile façon crabe et on s’insère dans les 30 cm qui séparent chaque siège du dossier de devant.
Bref, on a mis une grosse heure et demie de ce transbahutage pour se rendre à l’université. Ça m’a donné tout le temps voulu pour prendre de mauvaises photos et tourner un petit bout de vidéo pas très bon non plus (ça bouge trop !). Je vous les mets quand même.
Marchand de canne à sucre.
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Marchands de rue. |
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Le bidonville Jalousie, en contrebas de la riche Pétionville. |
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Les tap-tap attendent les clients, les clients attendent le tap-tap. |