Chez les Peulhs

Les Peulhs sont l’une des nombreuses ethnies qui peuplent le Niger. Ils sont traditionnellement nomades et se déplacent au gré des saisons à la recherche de pâturages pour leurs troupeaux. Mais de plus en plus, ils se fixent, au moins durant la saison sèche, dans des campements constitués de fragiles cases de paille, non loin d’un village jerma ou haoussa (ici près de Komdili Béri, dans la région de Dosso).

Les femmes et surtout les jeunes filles se parent à la moindre occasion, et leur maquillage redéfinit les règles de la beauté.

L’eau

On a vu assez de reportages sur les sécheresses catastrophiques qui ont éprouvé le Sahel pour le savoir: ici, l’eau est littéralement une question de vie ou de mort. Trop de pluie et les semences de mil, base absolue de l’alimentation, seront lessivées; pas assez, les plants se dessécheront. Dans les deux cas, les récoltes seront compromises et, partant, la subsistance d’une famille, d’un village, d’une commune.

Pour s’assurer d’une eau potable, il faut forer à plus d’une centaine de mètres de profondeur. Les puits ouverts, moins profonds, risquent plus facilement de se contaminer ou de s’assécher.

À Garougandji, dans la région de Dosso, il y a donc un puits classique, dont l’eau sert à abreuver le bétail et à diverses tâches domestiques. On s’en servait aussi pour arroser le jardin scolaire, mais, à quelque 30 mètres de profondeur, remonter l’eau était une tâche trop lourde pour les écoliers. On a donc abandonné le jardin, qui se dessèche tristement à quelque mètres de là. Une mare, juste à côté, pourrait fournir l’eau nécessaire, mais elle se tarit trop tôt. Selon le directeur de l’école, la creuser un peu permettrait que plus d’eau s’y accumule en saison des pluies, de sorte que l’on pourrait arroser le potager jusqu’à la fin des récoltes.

Quant à l’eau potable, on la puise un peu plus loin, au «forage», qui fait plus d’une centaine de mètres de profondeur, grâce à une pompe hydraulique que les jeunes filles actionnent vigoureusement du pied.

Il règne autour de ces deux pôles une activité constante, rythmée par le grincement des poulies, la chanson fraîche de l’eau qu’on transvase et, bien sûr, les rires des femmes. C’est la vie elle-même qui se déroule là où elle prend sa source.

Niger

Nous y voici donc. Après quelques jours «au neutre» dans un hôtel qui ressemble à un tout-inclus cubain en déclin, nous avons pris le chemin de Dosso, à deux bonnes heures de Niamey, pour visiter deux des écoles où Oxfam intervient par le truchement de l’Association pour un développement durable, une ONG locale.
Nous avons passé la première journée en visites protocolaires: le préfet, le maire, le directeur des cantines scolaires, l’inspecteur des écoles, le gouverneur du département, le chef de police… Chaque fois, des salamalecs qui n’en finissent plus (littéralement, car les gens, dans ce pays musulman à 98%, se saluent en arabe: «As-salam alaykoum»).

– Comment ça va? Très bien?
– Ça va bien, et vous?
– Ça va bien, ça va?
– Ça va, et le séjour?
– Ça va, ça va très bien…
– Alors, ça va? Et la santé?
– Ça va bien, ça va?
– Ça va très bien, et la fatigue?
– Ça va. Alors ça va? Et la famille?

Si on n’y met pas un terme, ça peut durer des heures, à serrer interminablement des mains sans jamais savoir quand il serait diplomatiquement acceptable de les lâcher. On finit par s’asseoir, tous les messieurs en grand boubou, dans un bureau aux dimensions proportionnelles à l’importance des fonctions de son occupant, meublé de canapés aussi hideux que poussiéreux (la poussière du désert, impossible à vaincre, qui s’infiltre partout).

Notre ami Saidou nous a présentés, a expliqué notre mission et, au terme de palabres interminables sur les questions de sécurité (il n’y a pas de danger immédiat, mais on préfère ne pas prendre de risque depuis l’enlèvement de deux diplomates canadiens en 2009), on a fini par nous coller deux «éléments» de la police, armés de mitrailleuses chargées, eux-mêmes chargés de nous accompagner partout où nous irions. Pour faire bonne mesure, le gouverneur a de plus envoyé au village un détachement de la garde nationale et une patrouille de l’armée, qui ont bivouaqué là-bas durant les trois jours que nous y avons passé.

Par-dessus le marché, le secrétaire du ministère de l’Éducation responsable des cantines scolaires nous a aussi accompagnés dans son 4X4 avec chauffeur, de même que l’inspecteur des écoles. Un peu plus, on nous donnait une fanfare.

Nous qui voulions nous déplacer discrètement…

Au village, tout le monde nous attendait: le chef, les sages, leurs femmes, les enfants, le directeur de l’école, les enseignants, bref, le village au complet sur son 31, avec de la musique, des honneurs et des discours ponctués des murmures d’approbation de l’assistance. On nous a fait goûter la boule (une boisson de lait et de mil servie glacée dans une grande calebasse, que l’on boit chacun son tour à même la louche), on nous a fait quelques démonstrations d’artisanat et de traditions locales, et puis, comme de raison, la musique a commencé et tout le monde s’est mis à danser.

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Les sages du village.

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Jeune Peule toute parée pour l’occasion.

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On vous tresse un éventail ou une paire de sandales en deux temps trois mouvements.

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Cinquante et un ans, dix enfants.

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Un peu de boule bien fraîche?

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On agite le lait dans cette calebasse pour en extraire le beurre, qui est utilisé dans la cuisine sous forme d’huile.

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Pilage du mil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Tressage de paille.

Au terme de cette journée, nous étions épuisés, quelque peu confus (qui était donc ce grand monsieur digne au calot rouge, déjà? Ah, oui, le préfet – non, le chef du village – non, son adjoint)…

Tous ces officiels nous ont suivis pas à pas le lendemain, histoire de mettre tout le monde bien à l’aise. Debout autour de la caméra durant les entrevues, et ça éternue, et le cellulaire sonne, et ça répond à la place des femmes…

J’ai failli en étrangler un ou deux, mais je me suis retenue. Je fais des progrès, en matière de protocole.

Bientôt le Niger

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Eh oui. Nous l’avons su hier: nous repartons, cette fois au Niger, pour un mois, tourner un documentaire sur les résultats d’un programme d’encouragement à la scolarisation mené par Oxfam-Québec dans les régions de Tillabéri et de Dosso, à environ 150 km de part et d’autre de Niamey. Départ dans… deux semaines!

Ce sera sans doute très chaud, et très différent du Bénin: le Sahel et le Sahara occupent 80% de la superficie du pays et, bien qu’on y trouve des ressources comme de l’or, de l’uranium, du pétrole, du fer et du charbon, le Niger se classe bon dernier (sur 187 pays) au classement de l’ONU selon l’indice du développement humain. On dit cependant que, avec le Congo, c’est le pays qui a fait le plus de progrès depuis 2000 en regard des Objectifs du millénaire pour le développement. Il y a donc de l’espoir, en dépit de ce que j’ai entendu dire un jour, à Cotonou, par une dame qui en revenait: «L’enfer sur terre existe, c’est le Niger!» Je n’en crois rien, et j’ai très hâte de voir enfin le fleuve Niger, ce dont je rêve depuis depuis, comme on dit au Bénin.

J’avais le pressentiment, tandis que je remettais mes trucs et mes machins dans les placards, l’autre jour, que je faisais peut-être tout cela pour rien, que j’aurais à repartir. Eh bien voilà (serais-je devenue un peu sorcière au contact du vaudoun?).

Mon appartement sera donc de nouveau à louer pour le mois de juin, si des fois vous connaissez quelqu’un qui cherche un endroit où se poser à Montréal pendant le plus beau mois de l’année…