Le journal de Sissi (17)

Oh well, comme disaient mes chums du West Island. The shit is hitting the fan.

Ça veut dire que la marde est en train de pogner. Ou que ça commence à aller vraiment mal. (J’suis en train de m’internationaliser.)

Aujourd’hui, elle est partie genre à 11 h sans me dire où elle allait ni quand elle rentrerait. Bon, à la limite, c’est son droit, pis même si elle me disait où elle va, c’est pas comme si j’avais envie d’y aller ni qu’elle avait l’intention de m’emmener (merci le dieu des chats).

En tout cas. Comme la tatie est une traîneuse de calibre olympique (ça, ça veut dire qu’elle laisse tout traîner, genre que sa maison est un bordel permanent), j’me suis prise d’affection pour un petit tapon de laine qui sentait bon, abandonné sur le canapé.

Ça fait que, quand elle est rentrée, j’avais pas fini de tripper, elle m’a interrompue dans mon histoire avec ce que j’ai appris qui était un cardigan de mérinos (heille, on se torche pas avec des pelures d’oignon, icitte!), pis j’ai pas pu m’empêcher de continuer une fois qu’elle a enfin eu arrêté de s’agiter.

Donc, quand elle a fini par poser son cul sur le divan, y était trop tard, je voulais pu bouger, pis c’est là que tout a chié.

Elle a profité de ma vulnérabilité pour me faire plein de caresses sous le menton et derrière les oreilles, ça m’a rappelé quand j’étais petite pis que ma mère me faisait ça à la sauvette pis que j’en avais jamais assez.

J’ai craqué, qu’ess tu veux que j’te dise?

Là, j’vais me coucher, mais j’ai quand même une inquiétude pis j’sais pas si j’vais dormir. La tatie a dit aujourd’hui le mot «vétérinaire», pis elle a sorti le petit nid dans lequel elle m’avait mise pour m’emmener ici. Je crains le pire.

Le journal de Sissi (16)

Salut.

J’pense que j’suis en amour.

La tatie m’a présenté aujourd’hui un nouvel ami. J’sais pas son nom, j’sais pas d’où il vient, mais ooooohhhhh! Il est drôle, il est poilu, il sent bon, j’ai un fun fou avec lui! J’ai même pu besoin de la tatie pour jouer, on fait ça ensemble tous les deux, en toute intimité. C’est génial!

OK, oui, c’est un peu plate pour Ratatouille, mais elle arrête pas de disparaître (pis où, au fait, hein?), donc j’suppose qu’elle et moi, c’était pas vraiment possible. En tout cas, c’était sûrement un amour à sens unique, sinon pourquoi elle me laisserait tomber comme ça à tout bout de champ?

Bien sûr, mon nouvel ami et moi, on se cache encore un peu (des fois que Ratatouille nous pognerait, tsé: j’aime bien ménager mes arrières), mais c’est dur. ON RIT TROP!

Je l’aimeeeeee!

Dire que j’sais même pas son nom!

Sinon, avec la tatie, ben ça va comme c’est mené, PIS C’EST MOI QUI MÈNE, hahahaha!

Je continue de suivre mon plan: une journée, je garde soigneusement mes deux mètres de distance, je la laisse même pas s’approcher (tout en me roulant à terre de tout mon long avec l’air de lui demander des câlins). Le lendemain, je la laisse me prendre un tipeu dans ses bras, durant quelques secondes de ronrons, juste assez pour lui donner le goût, pis je décrisse.

A va finir par apprendre.

En attendant, j’suis contente de t’annoncer que j’ai désormais des croquettes à volonté.

Fini le chantage. J’savais que j’finirais par régner icitte.

Le journal de Sissi (15)

Salut.

Ça va mal.

Mon plan est en train de dérailler solide.

Aujourd’hui, la tatie a joué avec moi et Ratatouille pendant chépas combien de temps (voyons, j’t’ai dit que chuis pas bonne pour compter le temps!), mais en tout cas vraiment longtemps, pis on a eu un fun noir.

Pourquoi on dit ça, un «fun noir», au fait? D’où ça vient?

J’ai ma p’tite idée, mais j’te laisse réfléchir là-dessus. Penses-y ben comme faut.

En tout cas, on a eu ben du fun.

Mais elle finit toujours par s’arrêter pis me laisser à moi-même.

C’est une forme d’abandon! C’est limite un mauvais traitement! Je songe à me plaindre à la SPCI. Oui oui: la Société pour la prévention de la cruauté envers l’Impératrice.

Comment ça, ça existe pas? Tu vas voir que ça va exister dans pas long.

Enfin, bref, à force de me faire abandonner, j’ai fini par être obligée de m’intéresser au jouet débile qu’elle m’a présenté sans que je demande rien.

Pis c’est là que j’me suis fait avoir.

J’me demande vraiment comment tout ça va finir.

Le journal de Sissi (14)

C’est pas pour me vanter, mais je suis en train de rendre la tatie complètement accro à ma délicieuse personne.

Elle fait tout c’que j’veux, hahahahaha!

Mais le plus important, c’est que MOI, Sissi impératrice de Rosemont, je fasse exactement tout ce que JE veux. Hier, je l’ai comblée de câlins et de ronrons. Je lui ai même donné quelques bisous avec mon irrésistible petit nez de satin rose.

Aujourd’hui? RIEN!

Bon, oui, OK, je me suis un peu roulée par terre pour lui montrer ma belle petite bedaine blanche, mais PAS TOUCHE!

Mes chums de ruelle m’ont appris que c’est comme ça qu’on se fait une clientèle.

Pis d’abord, c’est un juste retour des choses parce que la tatie arrête pas de me priver de Ratatouille. Elle joue 15 minutes ici et là, pis elle m’abandonne. Ça fait que quand j’dis qu’elle fait tout ce que je veux, c’est pas encore tout à fait vrai. Mais elle perd rien pour attendre. Elle a pas le droit de me faire ça! J’veux dire, si elle joue pas avec moi à Ratatouille, c’est moins l’fun. Pis j’ai le droit d’avoir du fun après tout ce que j’ai vécu, pis elle m’a toujours ben pas adoptée pour m’abandonner, sacrament!

OK, j’sais que j’dis beaucoup de gros mots, la tatie arrête pas de me reprendre en me répétant que si je veux devenir une vedette internationale, faut que je soigne mon langage pis toute.

Blablabla…

Mais well, devenir internationale, quand même, pour une chatte de ruelle… Ça serait une consécration! J’gagnerais peut-être des prix, on sait pas.

En tout cas.

Pour changer de sujet, j’veux juste te dire que, hier soir, la tatie a laissé ouverte la mince petite grille qui me sépare du grand dehors. Pas longtemps, pis sans doute par accident, mais heille. J’peux-tu te dire que j’en ai profité? J’ai juste eu le temps d’explorer un peu le territoire immédiat et de humer l’air. Ça sentait toutes sortes d’affaires, j’aurais perdu la tête si la tatie m’avait pas rappelée. J’suis rentrée vite vite parce que, au fond, j’aime pas trop l’insécurité, tsé.

Même si la tatie m’énarve souvent, j’dois reconnaître qu’elle me veut pas de mal. Elle me nourrit, elle recueille mes cacas et mes pipis comme si c’était de l’or, pis elle me gratte doucement le menton quand je la laisse faire (et oooohhh, mon doux que c’est dououououx!).

Ça fait que j’sais pu trop où j’en suis, pour te dire la vérité.

Là, j’sens qu’elle est sur le point d’aller se coucher, pis moi aussi. Reste à savoir si j’vais la rejoindre ou pas.

HAHAHAHA! Tu penses vraiment que j’suis rendue là? Voyons! Pour qui tu me prends?

Le journal de Sissi (13)

Ça, c’est moi à moitié morte. C’est une mauvaise photo parce que même à moitié morte, j’me laisse pas photographier facilement. Le droit à l’image, ça s’appelle. Mébon, j’suis prête à faire une exception pour cette fois, juste pour que tu voies à quel point j’ai de l’élégance.

Y en aura pas de facile.

Y a des jours où je la prive délibérément de mon auguste personne. Je garde mes distances, j’accepte absolument aucun contact, je la fuis quand elle s’approche.

Pis le lendemain (j’suis obligée de le reconnaître), j’suis en manque pis j’me comporte comme si je l’aimais.

Well, c’est pas que je l’aime pas, mais bon… C’est compliqué.

En tout cas.

Là, faut que je t’annonce une immense bonne nouvelle: RATATOUILLE EST REVENUE!

J’suis toute ratatouillée, hahaha!

J’comprends toujours pas pourquoi ou comment elle avait disparu, mais le principal, c’est qu’on se soit retrouvées.

On a joué comme des folles.

Je lui ai rien dit mais, pendant son absence, j’ai quand même découvert des jouets intéressants, pis le jeu du monstre sous-marin, finalement, c’est l’fun mais y a autre chose dans la vie.

J’espère qu’elle m’en voudra pas. En tout cas, elle est sûrement moins fatiguée que moi.

Perso, j’suis mourute écrapoutie dans mon fauteuil préféré, bonsoir, bonne nuitte.

Le journal de Sissi (12)

Dure journée aujourd’hui.

Ratatouille a disparu.

J’avais tellement de fun avec elle, pis la tatie m’obéissait chaque fois que je la tannais pour jouer (je peux être vraiment, mais VRAIMENT tannante)…

La première fois que j’ai pensé l’avoir perdue, je l’ai trouvée sur une commode (demande-moi pas comment elle avait fait pour aboutir là), et je l’ai ramenée sous le divan comme d’hab. Mais la tatie a pas voulu jouer, pis là, c’est fini, je l’ai perdue pour de bon.

Je l’ai cherchée partout, j’ai couru comme une folle de haut en bas de la maison, j’ai tchecké du haut de la mezzanine, d’où je vois quand même une bonne partie de la place, j’ai chialé comme une malade, j’ai voulu manger les coussins, j’ai essayé de me glisser sous le tapis pour voir si elle était là, rien à faire.

La tatie a tenté de m’intéresser à son estie de jouet poche (le bleu avec des balles), pis chaque fois que j’allais me cacher sous le divan pour jouer au monstre sous-marin, elle se relevait (parce que oui, quand même, elle se met à quatre pattes à terre pour jouer avec moi, imagine, hahaha!) et elle m’annonçait que c’était fini les jeux sous le divan. Voyons!? C’est quoi son problème avec le dessous du divan?

Je l’ai essayé, son jouet poche. Y est pas si poche que ça (en d’autres circonstances, je l’aurais peut-être même aimé), mais c’est rien comparé à Ratatouille. RATATOUILLE!!!!! Où es-tu?

Là, j’me suis retirée sur la mezzanine pour bouder, je suis en beau calvaire. J’comprends pas ses méthodes d’éducation.

Elle va vivre l’enfer cette nuit, je t’en passe un papier.

En attendant, faut que je te raconte quelque chose de vraiment incroyable.

T’sais que j’suis une impératrice, ça fait de moi quelqu’un de vraiment spécial (ou c’est parce que j’suis vraiment spéciale que j’suis une impératrice, on se chicanera pas là-dessus), mais j’savais pas à quel point.

Imagine-toi donc que je suis tellement exceptionnelle et précieuse que la tatie recueille soigneusement TOUS MES CACAS ET MES PIPIS CHAQUE JOUR! Elle les met dans un petit sac POUR LES CONSERVER! Je le sais parce que je l’ai vue faire ce matin, j’en revenais pas. Wow.

Quand j’y pense, ça me console un peu de la perte de Ratatouille. Être une impératrice, j’imagine que ça implique quelques compromis.

Mais Ratatouille… RATATOUILLE!

Le journal de Sissi (11)

Oooohhh, misèèère.

J’ai lâché toutes mes défenses. J’me suis comportée comme une moins que rien. MOI, l’impératrice Sissi de Rosemont!

J’me suis roulée à terre, j’ai quêté des caresses, j’ai roucoulé, j’me suis laissé toucher les pattes, le ventre, le cou, la tête, j’ai même suivi la tatie partout où elle allait dans la maison.

J’ai tellement honte!

Je comprends pas ce qui s’est passé.

C’est vrai que je donnerais n’importe quoi pour jouer avec Ratatouille, et j’ai compris maintenant que la tatie et elle ne font qu’une. Fait que j’ai tanné la tatie une bonne partie de la journée pour ça avant qu’elle allume enfin. Le bon côté, c’est que j’ai eu un supplément de croquettes (YESSSS!).

Je sais pas si je l’ai déjà dit: j’suis petite, mais j’suis futée.

Ça fait qu’on a eu encore ben du fun à mon jeu préféré, même si la tatie a essayé par tous les moyens de m’intéresser à ce truc débile que je t’ai montré hier, ou à une balle qui était sympa mais qui répondait pas trop. Y a que Ratatouille qui me fasse tripper autant

En tout cas.

Une autre affaire qui me tracasse, c’est que l’arbre qui était vert et qui est devenu jaune est en train de se déplumer comme le dernier oiseau que j’ai mangé (j’étais vraiment jeune mais j’avais vraiment faim, et c’est pour ça que je m’en souviens: c’était pas beau à voir).

Je passe des heures à regarder s’envoler ses feuilles et je voudrais les attraper pour les garder, mais quelque chose me retient. Je sais pas quoi.

En tout cas. C’est peut-être pas si important que ça. J’suis en train de me rendre compte que j’suis pas tombée dans une si mauvaise maison, après tout. La tatie est fatigante (a pourrait-tu juste me laisser dormir, des fois?), pis a me tanne avec mon vocabulaire (on s’est parlé, j’suis d’accord pour qu’elle te publie, mon cher journal, mais faut que j’fasse attention, estie) (oups, pardon). Elle a pour son dire que si j’veux devenir une vedette internationale, j’ai pas le choix.

J’avoue que c’est tentant. De mon côté, je lui ai fait promettre de pas me censurer sur le reste.

Ne m’en veux pas, ma survie en dépend.