Ça m’a pris tout d’un coup: ce besoin de sortir de ma routine, de ne plus me soucier de rien, de ne plus voir tout ce que je devrais faire, de mettre mon cerveau à OFF.
Ça fait que je suis partie me réfugier au monastère des augustines, à Québec. «Un voyage en soi», comme dit leur joli slogan.
J’ai toujours adoré les vieux couvents. Ça m’émeut, que voulez-vous. Celui-ci, qui a déjà abrité quelque 250 soeurs à demi-cloîtrées (puisqu’elles se consacraient aux soins hospitaliers, ils fallait bien qu’elles voient un peu de monde), n’en compte plus qu’une dizaine.
Paraît que la plus jeune a… 30 ans! J’aimerais bien lui parler.
Elles vivent (ou s’éteignent lentement) dans une aile relativement récente, séparée, cela va de soi, de la partie ancienne, qui a été convertie en hôtellerie et en musée dans un esprit de conservation et de transmission absolument admirable.
Les vieux escaliers de bois plein, tout de guingois, vermoulus, usés par le passage de ces centaines de petits pieds affairés et silencieux, m’enchantent. Je m’égare à dessein dans ces longs corridors jalonnés de souvenirs, de meubles anciens, de tableaux saints plus ou moins réussis.




Je reste fascinée par ces jeunes filles qui entraient au monastère à 13, 14 ans, sachant qu’elles ne reverraient jamais ni leur famille, ni leur village, ni autre chose que les hauts murs du jardin où j’écris en ce moment. Elles avaient droit, une fois par mois, à une visite de 30 minutes au parloir, et encore ne pouvaient-elles voir leurs visiteurs qu’à travers une grille. Elles allaient aussi quelquefois à la campagne, pour contribuer aux récoltes.
Il est vrai que, aux XVIIe et XVIIIe siècles, il n’était pas rare que les filles se mariassent (merci de remarquer l’imparfait du subjonctif, ici) dès l’âge de 15 ans.
Sur les photos anciennes, on voit les soeurs ensemble, jeunes et moins jeunes, jouer aux cartes, patiner, travailler au jardin, s’adonner à des travaux d’aiguille, chanter en choeur autour d’un piano — et, bien sûr, prendre soin des malades, leur vocation première.
Cette existence devait bien avoir quelques avantages puisque, à une époque où l’espérance de vie ne dépassait guère 50 ou 60 ans, la plupart sont mortes à un âge très avancé.
En tout cas.
Pour perpétuer la mission initiale des augustines, on a donc voulu faire de l’hôtellerie un «havre de ressourcement». C’est pourquoi on y offre des séances de méditation, de tai chi, de yoga et autres activités salutaires pour le corps et l’esprit. Ne reculant devant rien, j’ai choisi un forfait qui comprend tout cela ainsi que les trois repas quotidiens.
Le premier jour, j’ai eu droit à une séance de qi gong privée puisque j’ai été la seule brave à me présenter.
Je me disais que ce serait bien relax après trois heures de route.
Pffff. Bascule le bassin, contracte les abdos, oublie pas de respirer (par le ventre, c’est mieux), ramasse ton qi, expire, transfère ton poids sur le pied gauche, non, l’autre gauche, oui, comme ça; inspire, les genoux bien fléchis, oups, t’as échappé ton qi!
Au bout d’une heure, j’étais morte. J’étais aussi, comme on s’en doute, en nage.
Le lendemain matin, j’ai traîné mon corps courbaturé à la marche méditative, qui consiste essentiellement à marcher trop lentement en respirant bien, les mains jointes sur le tan tien inférieur (un des trois centres de l’énergie vitale selon la médecine chinoise), soit sur le ventre, comme bouddha. Ou comme les vieux curés.
À midi, le programme «vitalité» prévoit une activité qui varie selon le jour de la semaine. Hier: méditation active sous la forme de «power shaking». En gros, ça consiste à se secouer au rythme de tambours africains pendant une demi-heure, puis à relaxer au son de la flûte japonaise. J’ai renoué avec le souvenir des petits enfants béninois qui dansent comme ils respirent et je me suis donnée à fond. J’ai transpiré au moins autant que sous le soleil du Bénin. À la fin, j’étais encore plus morte que la veille.
Mes quadriceps n’en pouvant mais, j’ai décidé de sauter la séance de tai chi du soir pour plutôt aller marcher méditativement dans le Vieux-Québec, en particulier dans la rue Sous-le-Cap, ma préférée, la seule qui soit épargnée par les hordes de touristes qui assiègent la ville l’été durant.
Là, je vous quitte, j’ai du yoga à midi. Je ne sais pas si je vais survivre à une troisième mort.
La suite plus tard…
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